Après avoir circonscrit les causes de nullité invocables en référé contractuel pour les marchés à procédure adaptée (Mapa) en 2011 (lire notre article), le Conseil d’Etat va encore plus loin, dans un arrêt du 25 octobre 2013, pour les contrats de délégation de service public (DSP). Seuls les manquements de l'autorité délégante à ses obligations de publicité lors de la passation peuvent justifier l’annulation d'une DSP. Les sages du Palais-Royal en profitent également pour rappeler les conditions d’ouverture du référé contractuel.
En l’espèce, une commune avait lancé une procédure d’appel d’offres pour l’attribution d’une DSP portant sur l’exploitation d’un lot de plage. Une société évincée a demandé et obtenu l’annulation de la DSP en référé constractuel. La commune se pourvoit en cassation et demande au Conseil d’Etat de rejeter le référé.
La DSP, non soumise à l'obligation de notifier le rejet
Le Conseil d’Etat rappelle d’abord les trois alinéas de l’article L. 551-18 du Code de justice administrative (CJA) sur lesquels le juge du référé contractuel se fonde pour prononcer la nullité d’un marché public soumis à une procédure formalisée, à savoir : l’absence de toutes les mesures de publicité requises ou de celle dans le Journal officiel de l’Union européenne quand elle est prescrite (al. 1er) ; la méconnaissance des modalités de remise en concurrence pour la passation de marchés fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique (al. 2) ; le non-respect du ou la méconnaissance d’une mesure juridictionnelle de suspension (al. 3).
En se fondant sur le troisième alinéa de l’article L. 551-18 du CJA pour annuler le contrat de DSP, le tribunal administratif a commis une erreur de droit, estime le Conseil d’Etat. Car « [les] contrats de délégation de service public […] ne sont ni soumis à l'obligation […] [de notifier la décision d’attribution aux candidats évincés] visée au troisième alinéa de l'article L. 551-18 du CJA , ni concernés par le deuxième alinéa de cet article [prévoyant une remise en concurrence] […] ». Et juge ainsi que « les candidats à l'attribution d'un contrat de DSP ne peuvent invoquer utilement, à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation du contrat présentées dans le cadre d'un référé contractuel, que les manquements de l'autorité délégante à ses obligations de publicité visées au premier alinéa de l'article L. 551-18 du CJA ».
Attention au moyen juridique invoqué !
Après avoir prononcé l’annulation de l’ordonnance du tribunal administratif, le Conseil d’Etat statue sur le référé contractuel. Il rappelle d’abord les personnes habilitées à recourir à cette procédure d’urgence (voir focus). « Sont seuls recevables à saisir le juge du référé contractuel d'une demande dirigée contre un contrat de DSP, […], [notamment] les candidats qui n'ont pas engagé un référé précontractuel, lorsque l'autorité délégante n'a pas rendu publique son intention de conclure le contrat […] et n'a pas observé, avant de le signer, un délai d'au moins onze jours entre la date de publication de l'avis […] et la date de conclusion du contrat […] ». En l’espèce, la commune n’avait pas rendu publique son intention de signer le contrat et n’avait pas respecté le délai de suspension de seize jours indiqué dans sa décision de rejet notifiée à la société évincée. Le Conseil d’Etat estime donc cette dernière recevable à saisir le juge du référé contractuel.
Pour autant, il rejette sa demande d’annulation car elle est basée sur un mauvais fondement juridique. La société n'invoquait, à l’appui de sa demande, que des manquements au troisième alinéa de l’article L. 551-18 du CJA et non au premier.
Ainsi le défaut de suspension de la signature permettait d'exercer un référé contractuel... mais pas de le gagner !
Pour consulter l’arrêt du Conseil d’Etat du 25 octobre 2013 n° 370393, cliquez ici
Selon l’article L. 551-14 du CJA : « les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local ».
Selon le considérant 7 de l’arrêt du 25 octobre 2013 du Conseil d’Etat : « sont seuls recevables à saisir le juge du référé contractuel d'une demande dirigée contre un contrat de DSP lequel n'est pas soumis à l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus :
- outre le préfet,
- les candidats qui n'ont pas engagé un référé précontractuel, lorsque l'autorité délégante n'a pas rendu publique son intention de conclure le contrat […] et n'a pas observé, avant de le signer, un délai d'au moins onze jours entre la date de publication de l'avis […] et la date de conclusion du contrat,
- ainsi que [les candidats] qui ont engagé un référé précontractuel, lorsque l'autorité délégante n'a pas respecté l'obligation de suspendre la signature du contrat […] ou ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce référé ».