Les conséquences des progrès de l’informatique sont encore peu perceptibles sur les chantiers. Pourtant, entre les tombereaux et la base vie, les microprocesseurs bourgeonnent, prémisses d’une tour de contrôle numérique qui un jour régentera l’ensemble des opérations. Concerné au premier chef, le groupe Vinci se devait d’aborder cette question lors du festival Building Beyond, une série d’événements qui fêtent jusqu’au 19 juillet l’inauguration de son laboratoire « Leonard : Paris ». Dix porteurs de projet se sont donc retrouvés le 26 juin dans ce nouveau lieu pour présenter leur technologie à un aréopage de cadres.
A la sortie de cet exposé varié, force est de constater que la sophistication croissante des logiciels modifieront tous les métiers de la construction, depuis l’assistance à maîtrise d’ouvrage jusqu’au contrôle technique, en passant par le pilotage des engins.
La conception se peaufine
Entre les diverses simulations et la maquette numérique, la phase conception s’appuie déjà largement sur les ordinateurs. Les prochaines années s’apparenteront donc à un lent perfectionnement des services de la machine. L’usage des algorithmes s’étendra à de nouveaux sujets d’études. Ainsi, Urbalia, jeune entreprise créée par Vinci et AgroParisTech, propose par exemple d’évaluer les effets d’un projet sur la biodiversité par le biais d'un outil informatique baptisé Biodi(V)strict.
Consciente que l’information se révèle inutile lorsqu'elle s’égare au fin fond d’un disque dur faute de méthodes d’archivage bien définies, une autre entité de Vinci, Sixense, a conçu une solution baptisée Digital Site. Une plateforme de partage de fichiers pour les programmes de construction, des premières ébauches et à la levée de réserve. Parmi ses nombreuses spécificités, cette application peut traiter des fichiers issus du BIM.
Le matériel en première ligne
En revanche, sur le chantier lui même, tout reste à faire. Du réseau complet désiré, il n’existe à ce jour que quelques briques éparses, bien souvent implantées dans les engins les plus coûteux. Dans ce domaine, Arcure fait figure de précurseur. Créée en 2011, la société a imaginé le Blaxtair, un dispositif de caméras qui reconnait les piétons au moyen d’un algorithme d’apprentissage statistique. Cet instrument, destiné à tous les véhicules roulants, fut dans un premier temps acheté par les firmes de travaux publics, tels que Colas ou Vinci Construction Grands Projets. C’est maintenant les constructeurs qui l’intègrent directement dans leurs produits, où il interagit avec les freins.
Une dizaine de mètres plus hauts, des équivalents fixés sur les grues émergent. Avec son objectif tourné vers le sol, l’appareil de la jeune pousse israélienne Intsite détecte les compagnons et les obstacles autour des charges levées. Autant d'images qui pourraient aussi livrer des informations sur les activités des travailleurs aux alentours.
Au-delà de ces équipements internes, les échanges de données à distance entre des engins et des systèmes informatiques laissent encore à désirer. Après une série de réflexions sur la question, le concepteur et fabricant d’électronique Snootlab vient de développer le MIoT, une passerelle compatible avec les bus de communication des véhicules et qui émet des signaux radio en Long Range Wide-Area Network (LoRaWAN).
Extensions électroniques
Ailleurs, des essais encore marginaux laissent entrevoir les avancées futures. Avec la miniaturisation des capteurs, le recueil de l’information adoptera des formes inédites, plus faciles à mettre en œuvre. Altaroad préfigure cette dynamique. Cette entreprise vient en effet de conclure un premier test en condition réelle d’un dispositif de pesage pour les véhicules. De tailles réduites, celui-ci peut facilement être déplacé, et même éventuellement coulé dans la chaussée.
Echelon supérieur de l’évolution électronique, les robots s’inviteront également sur les chantiers. Dans un premier temps, leur rôle se limitera aux tâches simples et pénibles. Les modèles présentés par V-Robotics, une nouvelle structure qui reprend les recherches de Vinci Construction, assurent notamment des activités de manutention.
Quant aux compagnons, peut-être verront-ils les lunettes de réalité virtuelle s’ajouter à leur trousseau. C’est tout du moins l’ambition de XR, une coentreprise montée par Vinci Construction, STX et Clarté dont les statuts seront déposés cet automne. Celle-ci explore les possibilités de comparaison entre un objet et son double numérique à des fins de contrôle. Muni de lentilles holographiques, l’opérateur peut ainsi voir la superposition d’un ouvrage et de son image de synthèse. Il est alors en mesure de vérifier l’avancement de la tâche ou sa bonne réalisation.
L’apprentissage automatique greffé à la supervision
Enfin, pas de tour de contrôle sans une supervision informatique. C'est pourquoi la société belge Traxxeo a mis au point un logiciel de gestion pour les chantiers. Ce programme concentre les principales activités administratives : la régie du matériel, le traitement de feuilles de présence numérique, les paies, et le calcul des coûts. L’outil a notamment été utilisé par Eiffage Benelux et Besix.
Cette numérisation de l’intendance engendrera d’énormes bases de données, une matière première de choix pour l’entrainement des algorithmes appliqués à la prise de décision. Lili.ai, une jeune entreprise incubée par l’Ecole polytechnique, travaille justement sur un logiciel qui apprendrait des opérations passées afin d’aider à la conduite de nouveaux projets. Le système brasse la masse de chiffres accumulée et isole des liens de causes à effets qui peuvent échapper à un observateur humain. De la sorte, il peut conseiller un administrateur sur la marche à suivre. Une telle démarche nécessite cependant des données correctement ordonnées. Pensez donc à normaliser vos bibliothèques.