« Toutes les villes de plus de 10 000 habitants doivent s’équiper d’un réseau de chaleur alimenté en bois ». Ce mot d’ordre énoncé par Mathieu Fleury, président du Comité interprofessionnel bois énergie (Cibe), fait partie des messages fédérateurs diffusés le 6 juin par les sept coorganisateurs de la troisième journée bois énergie.
Attention à l’attentisme
Premiers de la classe des énergies renouvelables avec 35 % de la production totale et 65 % de la chaleur, ils ne pensent pas s’arrêter en si bon chemin. Autour de l’interprofession fédérée par le Cibe, leur front uni rassemble les collectivités (Amorce et FNCCR), les exploitants de réseaux (Fedene), les fabricants et distributeurs de granulés (Propellet), les chaudiéristes spécialisés (SFCB) et le syndicat des énergies renouvelables (Ser).
Avec l’atterrissage des prix du gaz, la filière peut craindre une réaction d’attentisme, en l’absence de taxe carbone. Pourtant, les leçons de la flambée des cours des énergies fossiles consécutive à la guerre en Ukraine ne fait pas de doute à ses yeux : « Pendant que le gaz augmentait de 800 %, le bois énergie démontrait une stabilité globale, en plus de son efficacité et de sa disponibilité », assure Mathieu Fleury.
La poussée de fièvre des pellets
L’exception des pellets tient à la jeunesse d’une industrie dont le nombre d’unités de production est passé de deux à 80 en 20 ans, selon Yann Denance, président de Propellet : « Au printemps, la peur de manquer a provoqué une explosion de la demande de 600 %, avec un impact de 12 % sur les ventes, ce qui a vidé nos stocks à l’été. On apprend, on s’organise », résume-t-il. Propellet estime à 10 GW la puissance mobilisée par les particuliers en période de pointe. « Le nucléaire peut dire merci au bois énergie », souligne Yann Denance.
Majoritairement domestiques, mais de plus en plus tertiaires ou industriels, tous les usages gardent un fort potentiel de croissance. Pour garder le cap, la filière ne cache pas son soulagement, après l’effacement des menaces émises à la fin 2022 par le parlement européen : dans le cadre de la révision de la directive européenne sur les énergies renouvelables, les députés avaient approuvé des dispositions qui excluaient les aides publiques à la combustion de la « biomasse ligneuse primaire ».
Soulagement européen
« La raison l’a emporté, on a échappé au pire », commente Jules Nyssen, président du Ser, au vu de l’évolution du texte. « Appuyons-nous sur cette alerte pour rétablir la vérité sur la durabilité de la filière », ajoute Mathieu Fleury. Depuis Colbert, la forêt publique française présente selon lui un modèle de planification qui préserve la ressource. La croissance annuelle des surfaces boisées, égale à 90 000 ha, conforte l’argumentaire. « On ne plante pas pour produire de l’énergie. Moteur de la filière forêt bois, la valorisation des produits du sciage nécessite de couper les branches et les jeunes arbres », rappelle-t-il.
« Certes, la ressource n’est pas infinie, mais nous n’avons pas atteint son potentiel », insiste Stéphane Magot, représentant d’Amorce au Cibe. L’une des grandes marges de progrès se situe selon lui dans l’amélioration de la gestion de la forêt privée, répartie entre 3 millions de propriétaires. « Les collectivités peuvent y contribuer », estime cet élu local, maire de Peyrilles (Lot).
Performances croissantes
Autre évolution vertueuse : le raccourcissement des distances entre production et consommation réduit l’empreinte carbone. « Dans le Lot, tous nos réseaux de chaleur se fournissent à moins de 50 km. D’autres départements peuvent suivre cette voie », encourage Stéphane Magot, également président du syndicat Syded, qui rassemble les 15 infrastructures concernées dans son département.
L’évolution technologique va également dans le sens d’une réduction des émissions, en particulier dans les usages domestiques : la filière espère pousser l’équipement à 10 millions de foyers au lieu de 7,2, mais avec un impact limité à l’équivalent de 8,2 millions de chaudières actuelles.
L’obstacle humain
Pour Jules Nyssen, cet exemple illustre une dynamique : « La planification ne résultera pas d’une série d’additions, mais d’une articulation entre les énergies et les techniques. Ce travail nous mobilisera dans les mois qui viennent ».
Le facteur humain constitue le principal obstacle à surmonter par une filière qui dégage un chiffre d’affaires de 5,1 milliards d’euros : d’ici à 2030, le bois énergie espère ajouter 25 000 nouveaux emplois à ses effectifs qui en comptent déjà 53 000. Sur le modèle de l’industrie nucléaire, les parties prenantes programment une étude prospective pour détailler leurs besoins de qualifications. Sans attendre les résultats, une centaine d’exploitants membre du Cibe ont lancé une initiative destinée à la formation des conducteurs d’engins forestiers.