Plus d'un an après l'adoption de la loi qui a défini la filière responsabilité élargie du producteur (REP) pour les matériaux et produits de la construction et du bâtiment, les contours des obligations de chaque partie ont gagné en précision. Le projet de décret qui a reçu, fin juillet, un avis favorable du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique détaille comment, à compter du 1er janvier 2022, les metteurs sur le marché de ces produits seront tenus de contribuer à la reprise gratuite et au traitement des déchets qui en sont issus lorsqu'ils sont collectés séparément. Envoyé au Conseil d'Etat, le texte est attendu pour novembre. Son projet d'arrêté est prévu fin septembre. Les futurs éco-organismes doivent déposer leur dossier de demande d'agrément avant le 31 décembre.
» Périmètre. La REP concerne l'ensemble des produits et matériaux fabriqués en vue d'être « incorporés, assemblés, utilisés ou installés sur les chantiers », à l'exclusion de ceux uniquement utilisés sur la durée du chantier, des terres excavées, équipements industriels, installations nucléaires de base et monuments funéraires. Sont assujettis par la REP les fabricants et importateurs de produits qui sont au niveau de la transformation la plus avancée possible avant l'introduction sur le chantier. Entreprises de construction et maîtres d'ouvrage ne sont donc pas des producteurs au sens de la loi.
» Collectes séparées. Deux types de collectes sont concernées : celle dite « 7 flux » (1) et la collecte selon les catégories et familles de produits (minéraux et non-minéraux). Les déchets devront être triés pour faire l'objet d'une reprise gratuite.
Toutefois, le décret laisse la possibilité d'une collecte en mélange pour tout ou partie des flux dès lors que la capacité des déchets à être valorisés n'est pas affectée.
» Reprise sans frais. Elle est prévue au niveau des points d'apport volontaire - déchèteries professionnelles et publiques, et points de reprise des distributeurs - pour les entreprises regroupant des déchets dans leurs propres installations et pour les chantiers où le volume de déchets est supérieur à 50 m3.
» Maillage. Par défaut, le maillage des points de reprise s'appuiera sur les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). En l'absence de référence aux points de collecte dans ces documents, le projet de décret prévoit une distance moyenne indicative comprise entre 10 et 20 km du chantier.
» Prise en charge. Conformément à la loi Economie circulaire, la REP bâtiment aura un fonctionnement à la fois opérationnel et financier organisé autour d'un éco-organisme. Ce dernier est chargé d'organiser la collecte et le traitement des déchets, pour le compte des metteurs sur le marché. Il gère ainsi la collecte gratuite des déchets triés sur les chantiers mais pas celle -payante - des déchets mélangés. Il conventionne aussi des opérateurs qui facturent la collecte des déchets mélangés, mais aussi reprennent gratuitement les déchets triés pour lesquels ils reçoivent une contribution en euros par tonne.
» Coordination. Etant donné qu'il est prévu deux catégories de matériaux (minéraux, non-minéraux) et la possibilité pour un éco-organisme d'être agréé pour l'une des catégories ou les deux, le décret propose de simplifier l'accès des utilisateurs via un guichet unique et de mettre en place un maillage territorial commun à tous les éco-organismes. Un contrat-type conjoint sera aussi à la disposition des collectivités en charge du service public de gestion des déchets. Le texte prévoit enfin une coordination pour les déchets dont la mise sur le marché est interdite.
» Reprise par les distributeurs. Les dispositions liées à la loi de Transition énergétique de 2015 pour la reprise des déchets par les négoces restent en vigueur jusqu'à la création d'un éco-organisme agréé. Dès lors, l'obligation de reprise des déchets du bâtiment s'appliquera pleinement aux distributeurs dont la surface commerciale est de 1 500 m² minimum et générant un chiffre d'affaires d'au moins 1 million d'euros.
» Impact. Le ministère de la Transition écologique a évalué l'impact financier de la future REP : « Le coût actuel de la gestion des déchets du bâtiment hors dépôts sauvages est de plus de 2 milliards d'euros et celui des dépôts sauvages de 80 millions d'euros, selon la dernière estimation de l'Ademe. Ces coûts étant aujourd'hui supportés par la maîtrise d'ouvrage et les collectivités, la REP n'entraînerait pas un surcoût mais un transfert de ces coûts de l'aval vers l'amont, c'est-à-dire vers les producteurs. » Toujours selon le ministère, la REP pourrait certes impacter le coût de la prise en charge des déchets (coûts supplémentaires liés aux objectifs de taux de réemploi et de recyclage) mais l'éco-conception des produits, des investissements et des économies d'échelle pourraient faire baisser le coût de gestion, estime le ministère.