Laitiers : la ligne 18 se fournit aux hauts-fourneaux

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Tracé de la ligne 18 du Grand Paris Express

C'était une première mondiale : en juin, le chantier de la ligne 18 du Grand Paris Express, qui reliera l'aéroport d'Orly (Essonne) à la gare de Versailles-Chantiers (Yvelines) en 2030, a accueilli un voussoir de tunnel constitué d'un béton de la gamme Exegy de Vinci Construction, dans lequel le clinker est remplacé en intégralité par du laitier de haut-fourneau. Au total, 29 voussoirs de ce type seront installés, selon deux configurations de mise en œuvre différentes, dans le tunnel qui constitue le lot 1 du marché.

La première configuration comprend la pose de huit voussoirs armés au droit des ouvertures de quatre rameaux de la ligne, tandis que la seconde prévoit la pose de trois anneaux complets, chacun constitué de sept voussoirs fibrés dans l'arrière-gare d'Orly, une zone non ouverte au public. Vingt-neuf, le chiffre paraît faible rapporté aux 41 000 voussoirs qui tapisseront les 11,8 km du tube de cette portion de la ligne. « C'est encore une expérimentation », rappelle-t-on chez Vinci, dont la division Grands Projets mène le groupement à l'œuvre. Les trois anneaux seront surveillés de près par des visites et des essais sur des éprouvettes de béton : « Il s'agit de s'assurer que ces voussoirs ont le même comportement dans le temps que ceux en béton traditionnel, en particulier leur géométrie, la fissuration et la carbonatation dans le matériau », précise le constructeur. Objectif : démontrer que ces éléments répondent aux spécifications demandées pour étendre leur utilisation à d'autres projets.

Quatre fois moins de CO2. La gamme Exegy a été conçue avec le producteur de laitier Ecocem, détenu à 49 % par le géant de la sidérurgie ArcelorMittal et dont les deux broyeurs sont installés à proximité de ses usines de Dunkerque (Nord) et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Le béton à 100 % de laitier, dénommé « ultra bas carbone » par Vinci, a d'abord fait l'objet de tests au sein d'une filiale du groupe, CDB, afin de déterminer la formulation la plus adaptée aux voussoirs du tunnel. Leur fabrication a ensuite été confiée à l'entreprise Stradal, basée à Aubergenville (Yvelines).

Si restreinte soit-elle, cette expérimentation grandeur nature ouvre la possibilité d'une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au béton : avec 90 kg CO2/m3, le béton incluant 100 % de laitier émet près de quatre fois moins de dioxyde de carbone que le béton traditionnel (330 kg CO2/m3 ) et deux fois moins que le béton CEM III à 60 % de laitier (170 kg CO2/m3).

Ce dernier est d'ailleurs largement présent sur le chantier de la ligne 18 : à Massy et Palaiseau (Essonne), les tunneliers Caroline et Céline posent chaque jour six à sept anneaux constitués de voussoirs avec 60 % de laitier. C'est aussi le cas pour les parois moulées, les dalles, les bétons de propreté, les puits, les quais ou encore les voiles de gare.

Au total, 240 000 m3 de béton à teneur réduite en carbone seront mis en œuvre sur ce lot. Et quelques kilomètres plus loin, Vinci utilise ce même béton à 60 % de laitier pour le deuxième lot de la ligne 18, le viaduc de 6,2 km qui traverse le plateau de Saclay. Ce matériau sert à fabriquer les voussoirs du pont - il en faudra près de 1 800 -, mais aussi ses 188 piles ainsi que les pieux des fondations.

Valeur esthétique. « Notre centrale à béton comporte cinq silos, dont deux pour le laitier », explique Martin Roussel, responsable du site de préfabrication des voussoirs pour Vinci. L'entreprise met en œuvre une dizaine de formulations de béton dont deux pour les voussoirs, l'une pour l'hiver et l'autre pour l'été. « Le laitier permet d'abaisser la chaleur d'hydratation par rapport au ciment Portland et donc de couler de plus gros volumes, comme les piles, en contrôlant la prise et la durabilité du béton », souligne Damien Ubaldino, responsable commercial chez Ecocem. Outre ses qualités de résistance mécanique et aux agressions chimiques, ainsi que ses émissions de CO2 réduites, il apporte aussi une valeur esthétique : « Ce béton, très blanc, le deviendra encore plus en vieillissant. Il offre aussi davantage de luminosité la nuit », apprécie Damien Ubaldino.

Le séchage plus lent - de 14 à 28 jours pour les voussoirs du viaduc - n'est pas un problème selon la responsable du marketing opérationnel d'Ecocem, Laurence Bazin Rouzeyrol : « Cela ne perturbe pas les chantiers de génie civil qui sont très organisés et utilisent des formulations adaptées », estime-t-elle. Résultat : « De plus en plus de maîtres d'ouvrage réclament du béton bas carbone », remarque Damien Ubaldino qui estime cependant que « la demande est beaucoup plus forte chez les acteurs publics que chez les promoteurs privés. »

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