Depuis son élection en 2020, Morgan Berger, le jeune maire (DVD) de Cognac (Charente), dit « travailler sur la transformation de la ville à long terme en lui redonnant une image en cohérence avec celle renvoyée à l'extérieur ». Plan de ravalement des façades, requalification des bâtiments remarquables, revalorisation des commerces et des logements dans le cœur de ville… La commune investit, sans prétendre viser le luxe qu'évoque l'eau-de-vie de vin distillée sur place depuis le XVe siècle. « J'ai d'autres sujets majeurs à traiter, comme la vacance commerciale ou l'habitat dégradé », explique l'édile.
Cognac, par son nom, peut donner le sentiment d'être plus riche qu'elle ne l'est, mais elle connaît les mêmes difficultés que d'autres villes moyennes et est la deuxième commune la plus endettée du département. » Les liens entre la ville et le spiritueux se lisent dans les transformations urbaines au fil des siècles, comme le rappelle Jérôme Sourisseau, président (DVD) de la communauté d'agglomération du Grand Cognac : « L'explosion du cognac au XIXe siècle - avec 280 000 ha de vignes avant la crise du phylloxéra (dans les années 1870), contre 80 000 aujourd'hui - a fait passer la population de 3 000 à 20 000 habitants en un siècle à peine. Les bords de Charente sont aménagés, des hôtels particuliers construits. A cette période, les propriétaires des maisons de cognac sont des bienfaiteurs, ils financent le terrain de rugby, un orphelinat… Jusqu'au début des années 1980, un système paternaliste génère des investissements dans la ville. »
Puis, avec l'acquisition des maisons par de grands groupes (Pernod Ricard, Bacardi, LVMH, Rémy Cointreau…), « Cognac est gérée comme une unité de production parmi d'autres, et le lien se distend », ajoute-t-il. Toutefois, depuis 2000, « le réinvestissement local est énorme », estime le président de l'agglomération. Les maisons de négoce font du cognac un produit premium, relançant les ventes. Leur patrimoine - libéré du stockage de l'eau-de-vie pour des raisons de sécurité - s'ouvre aux visites, l'œnotourisme s'y développe, les viticulteurs accueillent les consommateurs…
Travaux conjoints
Les collectivités sont entraînées dans ce sillage, et une émulation entre acteurs publics et privés débute. Le quai Maurice-Hennessy (ex-quai Papin) en est l'illustration : la maison de négoce, qui y est installée depuis sa création, rend sa tonnellerie accessible à tous, tandis que la Ville réaménage les quais en 2018.
En parallèle, le groupe Bacardi investit 2 M€ sur huit ans en 2022 pour rénover le château de Cognac (où est né François Ier en 1494), dont il est propriétaire. Toujours sur les quais, Hennessy a participé aux travaux de rénovation de la porte Saint-Jacques, rouverte en mai dernier. Celle-ci jouxte le chantier de réhabilitation de son siège social, dont les travaux sont actuellement suspendus en raison de la crise que traverse le secteur et d'un récent changement de gouvernance.
En 2023, la Ville a inauguré la place Martell, adresse de la maison de négoce éponyme. « C'était un nœud routier qui a été rendu aux riverains, précise le maire.
L'entreprise était favorable à ce réaménagement, et a mené de son côté des travaux de rénovation sur son bâtiment. » Aujourd'hui, les quais, le château de Cognac et les locaux d'Hennessy sont reliés à la place Martell et au centre-ville par la rue Gâtebourse, désormais piétonne et végétalisée. Les travaux se poursuivent dans ce secteur avec l'aménagement de l'avenue Paul-Firino-Martell. « Les maisons de négoce ont compris qu'elles racontent une histoire partout dans le monde, et quand un consommateur qui est prêt à mettre 2 000 € dans une bouteille rare vient à Cognac, il doit voir quelque chose à l'image du produit », estime Jérôme Sourisseau.
De nouvelles ambitions touristiques
Une manne pour sa collectivité qui développe désormais une ambitieuse politique touristique. « Nous prévoyons de doubler le nombre de visiteurs d'ici 2030, en faisant en sorte qu'ils restent pour les activités et notre patrimoine », détaille-t-il. Les sites susceptibles d'attirer un public familial ne manquent pas autour de Cognac : le château de Bouteville, rénové et ouvert en 2024, la motte féodale de Merpin, les ruines de la chapelle de Renorville - lieu de naissance de la double distillation du spiritueux -, le village d'Angeac-Charente et son animation sur les dinosaures, ou encore les carrières de Saint-Même.
L'idée est d'inverser les flux : les gens en vacances sur la côte qui d'habitude viennent à Cognac les jours de pluie pourraient trouver ici des activités pour une plus longue période et aller ponctuellement à la plage, à une heure de voiture.
Et pourquoi pas s'installer ? Pour lutter contre le vieillissement de sa population, Grand Cognac vient d'adopter son schéma de développement de l'enseignement supérieur, tourné notamment vers les métiers de la banque et de l'assurance. « La filière des spiritueux demande une gestion particulière », précise le président. La part des anges n'a pas fini de révéler le potentiel de la commune.