La société civile de construction-vente (SCCV) est un mécanisme juridique souvent mis en œuvre pour la construction d’un ou de plusieurs immeubles. Si elle présente des avantages par rapport à une société commerciale, elle n’est pas sans risques pour ses associés. D’où l’utilité de rappeler les principales règles qui la régissent.
Quel est l’objet social d’une société civile de construction-vente ?
La SCCV est une société civile qui a pour objet la construction d’immeubles destinés à être vendus à des tiers, soit en totalité, soit en fractions. Elle permet à un promoteur et à des investisseurs de s’associer pour construire un immeuble et le vendre - soit clef en main, soit à construire (à terme ou en l’état futur d’achèvement) - dans le but de partager le bénéfice en résultant. Le plus souvent, l’immeuble construit sera divisé en lots et soumis au statut de la copropriété. Le régime de la SCCV est prévu aux articles et suivants et et suivants du Code de la construction et de l’habitation (CCH).
A l’instar des autres sociétés civiles immobilières (SCI), la SCCV est soumise au régime de la transparence fiscale. Cela permet à chaque associé de soumettre l’imposition des bénéfices de la société qu’il a perçus au régime fiscal qui lui est propre (en pratique, impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés).
Quelles sont les conditions pour créer une SCCV ?
Une SCCV doit avoir pour objet la construction d’un ou plusieurs immeubles neufs, quelle que soit leur destination. Elle peut également être créée pour réhabiliter un immeuble lorsque les travaux ont pour objet :
- soit de créer de nouveaux locaux ;
- soit d’apporter une modification au gros œuvre ;
- soit de réaliser des aménagements internes équivalents à une véritable reconstruction ;
- soit d’accroître son volume ou sa surface.
La SCCV peut acquérir un terrain nu ou bâti si cette acquisition a été faite dans le but de réaliser une construction neuve.
En revanche, la SCCV ne saurait acheter un immeuble en vue de sa revente, sous peine d’être requalifiée en société commerciale. Elle ne peut pas davantage louer l’immeuble construit en totalité ou en fractions (à l’exception des lots construits dans l’attente de leur vente, et sous réserve qu’ils ne soient pas loués en meublé).
L’immeuble doit être cédé à des tiers. Comment cette condition s’interprète-t-elle ?
La SCCV est distincte de la société d’attribution en tant qu’elle interdit à ses associés de s’attribuer en propriété ou en jouissance l’immeuble ou des lots en contrepartie de leurs apports (). Si un associé souhaite acquérir un lot en son nom propre, il devra en payer le prix à la société. La SCCV ne sera pas dissoute tant que l’ensemble des lots n’aura pas été cédé.
Sous cette réserve, les tiers susceptibles d’acquérir un lot peuvent être toute personne physique ou morale, française ou étrangère, intéressée par l’achat des lots et capable d’en payer le prix.
Comment fonctionne la SCCV ?
Le fonctionnement de la SCCV est régi par ses statuts.
Elle est dirigée par un gérant (le promoteur), sous le contrôle de l’assemblée générale (les investisseurs), qui est compétente pour modifier et/ou proroger les statuts, le nommer et/ou le révoquer et vérifier la gestion des comptes (ainsi que pour prendre toute décision prévue par les statuts, comme l’engagement d’une somme qui dépasserait un certain montant, la passation d’un contrat, la souscription d’un emprunt, la fixation de la grille des prix de vente).
Les décisions sont prises par l’assemblée générale (AG) à l’unanimité de ses membres - sauf stipulation contraire des statuts. Les statuts peuvent prévoir que les décisions des associés résulteront d’une convention écrite de leur part ou d’un acte sous seing privé ou notarié signé par tous sans être prises en AG.
Quels sont les pouvoirs du gérant de la SCCV ?
Le gérant de la SCCV a pour mission de mener le projet de construction et de vente à son terme.
Il est chargé de gérer les rapports entre les différentes personnes concernées par ce projet (associés de la SCCV, entreprises, tiers acquéreurs, notaires…). Il dispose du pouvoir d’accomplir tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société.
En pratique, l’objet social et les pouvoirs du gérant sont précisés dans les statuts de la SCCV.
A quelles conditions le gérant peut-il engager sa responsabilité personnelle ?
Le gérant engage sa responsabilité personnelle à l’égard des associés dès lors qu’il commet une faute de gestion. Il peut être poursuivi en comblement du passif social sur l’intégralité de son patrimoine en cas de mauvaise gestion prouvée et d’insuffisance d’actif, si une procédure collective est lancée à l’encontre de la société.
A l’égard des tiers, le gérant peut engager sa responsabilité personnelle lorsqu’il prend une décision fautive détachable de l’objet social.
Le gérant peut être révoqué par les associés par une décision motivée représentant plus de la moitié des parts sociales (ou une autre majorité fixée par les statuts). Sa révocation peut être décidée par la voie juridictionnelle, sous réserve que des motifs légitimes le justifient (par exemple, une faute de gestion ou la violation des statuts).
Quels sont les droits des associés d’une SCCV ?
Les associés de la SCCV ont le droit de participer aux assemblées générales de la société et de percevoir les bénéfices dégagés par son activité conformément à la répartition prévue dans les statuts.
Ils peuvent céder leurs parts sociales, sous réserve que les autres associés l’acceptent à l’unanimité (sauf cession à des ascendants ou des descendants ou clause contraire des statuts).
Ils peuvent se retirer de la société lorsque :
- les statuts le prévoient ;
- avec l’accord unanime des autres associés ;
- ou pour de justes motifs par une décision de justice au vu de leur situation personnelle (l’associé a alors droit au rachat de ses parts par les autres associés à un prix fixé à l’amiable ou à la suite d’une expertise ; et le capital social sera réduit desdites parts).
Un associé peut exercer une action juridictionnelle contre le gérant en cas de mauvaise gestion.
Les associés d’une SCCV ont des obligations particulières par rapport à ceux d’une SCI. Lesquelles ?
Afin de protéger les créanciers de la société, les associés d’une SCCV doivent répondre aux appels de fonds de la société (), sous réserve que cet appel soit :
- nécessaire à l’accomplissement de l’objet social ;
- d’un montant égal pour chacun d’eux à proportion de leurs droits sociaux ;
- et indispensable à l’exécution des contrats de vente à terme ou en Vefa déjà conclus ou à l’achèvement de programmes dont la réalisation, déjà commencée, n’est pas susceptible de division (1).
En pratique, un appel de fonds sera effectué dans les situations critiques, notamment lorsque l’accès au crédit est restreint et/ou la vente des lots n’est pas conforme aux prévisions. Les fonds versés par les associés sont soit incorporés au capital de la société, soit inscrits en compte courant à leur nom.
A défaut de paiement et à la suite d’une mise en demeure infructueuse, le gérant convoque une AG qui pourra décider de la mise en vente publique des droits sociaux de l’associé défaillant à la majorité des 2/3 du capital social sur première convocation ; et à la majorité des 2/3 des droits sociaux des associés présents ou représentés sur une seconde convocation (les parts détenues par l’associé défaillant n’étant pas prises en compte dans le calcul de la majorité).
La mise à prix des droits sociaux est fixée par l’AG. L’associé dont les parts sont mises en vente peut participer aux enchères. Les sommes provenant de la vente sont affectées par priorité au paiement des dettes de l’associé défaillant envers la SCCV (à l’exception des super privilèges des salariés et du Trésor, qui primeront). Si des nantissements ont été constitués sur les parts vendues, le droit de rétention des créanciers nantis n’est opposable ni à la SCCV ni à l’adjudicataire des droits sociaux.
Autre obligation particulière, celle de supporter le passif social. Qu’en est-il ?
Les associés sont tenus du passif social sur tous leurs biens, y compris personnels, à proportion de leurs droits sociaux - et non de leurs apports ().
Cette obligation ne vaut que pour les dettes de la société qui sont certaines (résultant d’une ordonnance ou d’un jugement) et nées avant l’éventuelle cession des parts ou le retrait de la société de l’associé. Il s’ensuit que l’associé demeure responsable des dettes engagées par la société, et ce même si elles ne sont pas déjà exigibles (par exemple, il est tenu de supporter la réparation des dommages résultant de l’exécution d’un marché de travaux conclu par la SCCV avant la cession des parts ou le retrait de la société, même s’ils sont apparus postérieurement à la cession ou au retrait).
De surcroît, les créanciers de la SCCV ne peuvent poursuivre un ou plusieurs associés pour le paiement des dettes sociales qu’après avoir adressé à la société une mise en demeure infructueuse - étant précisé que le gérant de la SCCV est tenu de communiquer à tout créancier qui en ferait la demande le nom et le domicile, réel ou élu, de chacun des associés qu’il déciderait de poursuivre.
En cas de vices affectant la construction de l’immeuble, les associés peuvent être tenus du paiement des dettes après mise en demeure adressée à la société restée infructueuse et si, de surcroît, le vice n’a pas été réparé et le créancier n’a pas été indemnisé par la société ou la compagnie d’assurances qui garantit sa responsabilité.