Rendue possible par la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) votée en février 2022, la reprise de la gestion de certaines routes nationales par les régions fait l'objet d'expérimentations. Deux grandes régions se sont lancées dans l'aventure : Auvergne-Rhône-Alpes - qui reprend la gestion de 756 km de routes nationales non concédées en Auvergne et dans le couloir rhodanien - et le Grand Est, qui depuis le 1er janvier, « reprend en main le destin » de 500 kilomètres de routes « stratégiques », selon Thibaud Philipps, vice-président à la Région en charge des transports.
« Il y a une saturation forte de ces axes » qui « n'ont pas fait l'objet de suffisamment d'investissements notamment en matière de régénération » par l'Etat lorsqu'il en était le gestionnaire, a estimé ce dernier auprès de l'AFP.
Triplement du budget annuel
Un million d'euros est notamment prévu pour « réaliser des études » sur l'A31,
« point névralgique » en Lorraine qui permet la jonction avec le Luxembourg, où vont travailler chaque jour plus de 100 000 frontaliers français, un chiffre qui devrait fortement augmenter, selon Franck Leroy, président de la Région.
Outre des projets de réfection des chaussées, des équipements attendus parfois depuis des décennies doivent être mis en place par la Région, comme des protections acoustiques en bord d'A31 en Meurthe-et-Moselle. « Nombre de points noirs sont identifiés, et font bien souvent l'objet de projets qui sont dans les cartons depuis parfois une trentaine d'années », a déploré M. Philipps.
D'une manière générale, les chaussées seront refaites « un peu partout » selon lui, avec un budget de 92 M€ en investissement pour 2025, près de « trois fois plus » que ce qui était prévu par l'Etat. Concrètement, 75 km de route seront régénérés pour 34 M€ cette année.
Eco-taxe « prometteuse »
Un budget annexe a été voté, de manière à ce que cela n'influe pas le financement d'autres projets. Une éco-redevance poids lourds, qui sera mise en place en 2027, permettra de financer les travaux et l'entretien des routes, selon la Région, qui a en attendant recours à des emprunts d'équilibre, en plus des quelque 32 M€ fournis par l'Etat au titre du droit à compenser.
Cette éco-taxe satisfait les Ecologistes qui l'ont jugée « prometteuse pour la transition écologique et la justice territoriale ». A l'inverse, le groupe RN et apparentés s'y est farouchement opposé. Pour son président, Laurent Jacobelli, le Grand Est n'a pas « les moyens d'entretenir les routes » et l'éco-redevance « risque de favoriser les grandes entreprises, souvent étrangères, au détriment de nos structures familiales ou nationales ». Selon la Région, entre 60% et 90% des poids lourds circulant sur les axes concernées par cette sorte d'éco-taxe sont étrangers.
Un système similaire existe déjà dans les pays frontaliers, Belgique, Luxembourg et Allemagne. La Collectivité européenne d'Alsace prévoit elle aussi d'instaurer une taxe (appelée R-pass) sur les poids lourds de plus de 3,5 tonnes à partir de début 2027 sur l'autoroute A35, qui traverse la région du nord au sud. En effet, en raison d'une fiscalité onéreuse sur les autoroutes allemandes, un flux important de camions effectue le détour par l'Alsace.