«En distinguant, à travers son nouveau Concours d’architecture, quatre projets de recherche très originaux, l’Académie des beaux-arts n’attribue pas là seulement des prix, elle donne la possibilité à leurs auteurs d’y travailler», a indiqué son secrétaire perpétuel Laurent Petitgirard, lors de l’annonce du palmarès au palais de l’Institut de France, à Paris (VIe), le 13 décembre 2023. En guise de soutien financier, l’équipe lauréate a reçu une dotation de 20000 euros, et les trois finalistes 5000 euros chacune.

Ecritures
Ces équipes, sélectionnés en mai dernier parmi 40 dossiers de candidatures, ont toutes planché au cours des derniers mois sur le thème «Ecritures». Résultats : un essai sur l’usage de l’espace (Max Turnheim), une installation immersive fondée sur les rêves (Pierre Cutellic), une réflexion sur le réemploi (Estelle Barriol et Fanny Bordes) et la transformation d’une bâtisse rurale en lieu de rencontres, documentée sous forme de magazine (Sophie Dars et Carlo Menon). C’est ce dernier projet qui a remporté le concours. Une exposition, intitulée «Emulations», regroupe l’ensemble de ces travaux au sein du palais de l’Institut de France, jusqu’au 31 janvier 2024.
Le palmarès
- Sophie Dars et Carlo Menon (Accattone), lauréats avec le projet «Magasin/Magazine»
- Estelle Barriol et Fanny Bordes (Studio Acte), finalistes avec le projet «Spolia»
- Pierre Cutellic (CompMonks), finaliste avec le projet «L’attrape-rêves»
- Max Turnheim (Studio Uho), finaliste avec le projet «L’usage de l’espace»

Questions à Sophie Dars et Carlo Menon
Comment avez-vous interprété le thème du concours ?
En tant que praticiens, enseignants et éditeurs [via le projet Accattone, NDLR], nous avons appliqué à la lettre le thème de l’écriture en architecture, en projetant de fabriquer un lieu de la même manière qu’un magazine. Nous allons l’écrire à plusieurs, en collaboration avec toute une équipe. Les idées des uns et des autres vont se répondre et se contaminer jusqu’à aboutir à la dissolution de la notion même d’auteur.
Où et comment va se concrétiser votre projet ?
Dans le nord de la France, à Parfondeval, une commune rurale au paysage de bocage préservé. Par chance, nous y avons trouvé une bâtisse pendant le concours. Elle servait auparavant d’entrepôt à grain. Avec deux autres architectes et un artiste, nous allons en acheter une part. L’idée est de créer un espace de rencontres où l’on puisse véhiculer les savoirs et les savoir-faire, aussi bien vernaculaires que contemporains.
Nous allons réinvestir le site et tirer des récits de nos diverses expérimentations sur la construction en bois, le torchis, la céramique ou encore le jardin. Chaque intervention sera documentée dans le magazine et les connaissances acquises seront comme enregistrées dans le bâtiment lui-même. D’ailleurs les éléments présentés dans le cadre de l’exposition à Paris retourneront ensuite là-bas pour y être intégrés.
Parmi ces éléments, il y a notamment des carreaux de céramique figuratifs. Que représentent-ils ?
Ces carreaux sont comme des icônes religieuses. Elles représentent les différents rituels ou usages collectifs liés au four : cuisiner, se réchauffer ou même faire un sauna. On s’inscrit la encore dans le thème de l’écriture. Il existe aussi d’autres artefacts en céramique, comme ces maquettes hors d’échelle de plantes qui rappellent les modèles Brendel. Fabriqués au XIXe siècle, ils servaient alors pour enseigner la botanique. Les nôtres serviront également de support pédagogique, et de tuteurs dans le jardin.
Qu’allez-vous faire avec la dotation de 20 000 euros ?
Pour le moment, on s’interroge sur son utilisation. Ce qui est sûr, c’est que nous avons envie de faire un maximum de travaux par nous-mêmes : des poteaux en bois aux gouttières en métal en passant par les murs en torchis de la serre. Ce sera définitivement une œuvre collective.
Propos recueillis par Milena Chessa