La production d’électricité a atteint l’an dernier son point le plus bas depuis 1992, en baisse de 15 % par rapport à 2021. L’hydraulique, deuxième source d’électricité en France et première filière d’énergie renouvelable, a été particulièrement touchée. Elle a atteint « son plus bas niveau depuis 1976 en raison des conditions climatiques exceptionnellement chaudes et sèches », pointe le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE dans son bilan annuel. Les barrages ont vu leur production reculer de 22 % par rapport à la moyenne relevée entre 2014 et 2019.
Fin de l’hiver
Cette année, malgré deux premiers mois marqués par une sécheresse exceptionnelle, le taux de remplissage des barrages d’EDF, qui gère 70 % du parc hydroélectrique français, est globalement resté au-dessus des moyennes historiques. Il est passé légèrement en-dessous mi-mars, à 52 %, mais la fin de l’hiver approchant, l’électricien peut désormais se permettre de puiser plus largement dans ses stocks d’eau. Sur le Rhône, qui compte 19 barrages au fil de l’eau produisant un quart de l’hydroélectricité française, le début d’année est contrasté avec une production en hausse de 17 % en janvier et en baisse de 40 % en février.
Débits au plus bas
La sécheresse de l’an dernier a mené le fleuve à des records. « A Beaucaire, les débits d’étiage ont été les troisièmes plus bas après 1976 et 1921 », indique Robin Naulet, référent hydraulique à la direction gestion des actifs et concession de CNR. La production hydroélectrique a chuté de 16 % sur l’ensemble des centrales du groupe sur un an. Impossible de prédire de quoi seront faits les mois qui viennent mais il est certain que le faible enneigement de cet hiver constitue un déficit à venir.
Arrêt anticipé
Toutes les infrastructures ne bénéficient pas de la force du fleuve le plus puissant de France métropolitaine : à titre d’exemple, le barrage du lac des Bouillouses, dans les Pyrénées-Orientales, dont la production a cessé avec un mois d’avance par rapport à l’habitude, la retenue d’eau n’affichant que 2,7 millions de mètres cubes d’eau contre le double à la même période l’an dernier. Or celle-ci ne peut descendre en-dessous de 1,2 M m3 afin de préserver le débit de la rivière qui l’alimente, la Têt, et fournir en eau potable les communes qui l’entourent.
Des barrages régulateurs
Si l’alimentation en eau potable et la sécurité civile sont prioritaires, les barrages servent aussi à réguler le débit des cours d’eau : en cas de sécheresse, leur gestionnaire peut ouvrir les vannes afin de maintenir un niveau acceptable pour la bonne santé du fleuve ou de la rivière. Rapidement mobilisable et facile à piloter, l’hydroélectricité permet également d’assurer l’équilibre du réseau électrique et de compenser un déficit de production de la part des autres filières : c’est ce qu’a fait EDF en décembre dernier alors que de nombreux réacteurs étaient à l’arrêt.
Le nucléaire impacté
Les centrales nucléaires ont couvert les deux tiers de la production électrique en 2022 et si de nombreux réacteurs ont été arrêtés, c’est essentiellement pour des raisons de maintenance. Il n’en reste pas moins qu’à l’été 2022, la centrale de Saint-Alban (Isère) a dû réduire sa production en raison du faible débit du Rhône tout comme celle de Tricastin (Drôme). A Cattenom (Moselle), le débit du fleuve était devenu insuffisant pour assurer le refroidissement de la centrale et EDF a dû effectuer ses prélèvements dans une retenue voisine, tout comme à Saint-Laurent et Cruas.
Dérogations pour cinq centrales
Les fleuves ne sont certes pas à sec mais EDF doit composer avec ses obligations environnementales : l’eau prélevée pour le refroidissement des réacteurs est réchauffée par son passage dans leurs circuits et l’électricien est soumis à des limites de températures afin de préserver la biodiversité. Cinq centrales ont d’ailleurs obtenu l’été dernier une dérogation leur permettant de poursuivre leurs rejets et donc de maintenir leur production, soit pour soutenir le réseau à la demande de RTE, soit pour économiser de l’eau et du gaz en vue de la saison froide à la demande du ministère de la Transition écologique. Au final, l’exploitant a pu limiter les pertes de production pour raisons environnementales à 0,2 % de sa production annuelle contre 0,3 % en moyenne.
Navigation : le gabarit est clé
La sécheresse de l’an dernier a surtout affecté les voies à petit gabarit, amenant VNF à fermer 15 % de ses 6 700 km de réseau, principalement dans le nord-est de la France. La navigation a en revanche pu être maintenue sur 99 % du réseau à grand gabarit. Ce début 2023 n’est marqué par aucune restriction. Pour le Rhône, « 2022 a constitué un bon exercice, estime Robin Naulet, référent hydraulique à la direction gestion des actifs et concession de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), car malgré une sécheresse exceptionnelle, nous avons rempli nos missions ».Parmi celles-ci, la navigabilité du fleuve. « Nos aménagements au fil de l’eau forment une succession de bassins qui permettent de maintenir le niveau d’eau », explique Robin Naulet. Même très faible, le débit du fleuve garantit un mouillage de 3 m entre Lyon et la Méditerranée.