La passation des contrats d'occupation du domaine public est-elle soumise à des règles ?

Il faut une bonne lampe de poche pour s'aventurer dans le domaine, plutôt obscur, de la mise en concurrence de l'occupation du domaine public. Surtout quand cette occupation a pour objet d'installer des panneaux photovoltaïques... C'est ce que nous montre une nouvelle fois une décision du tribunal administratif de Nîmes du 4 octobre 2010.

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Mise en œuvre des modules photovoltaïques sur toitures

Saisi en référé précontractuel par une entreprise candidate, le tribunal administratif de Nîmes a annulé, le 4 octobre dernier, l'appel à projets du conseil général du Gard passé pour l'équipement photovoltaïque des toits de divers bâtiments.

Le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes s'est d'abord déclaré compétent. Il a considéré qu'un contrat ayant pour objet, non seulement de permettre l'occupation du domaine public en contrepartie du versement d'une redevance, mais également de prévoir l'exécution par le bénéficiaire de travaux d'installation de matériel photovoltaïque et de travaux d'entretien des toitures des bâtiments concernés, en contrepartie desquels le bénéficiaire se voit reconnaître le droit d'exploiter des équipements, pouvait faire l'objet d'un référé précontractuel.

Cette reconnaissance de la compétence du juge des référés précontractuels est intéressante, puisque ce juge est compétent dans le domaine de la passation des contrats relevant du droit de la commande publique. Et c'est justement sur ce point précis que se situe l'enjeu : un contrat d'occupation du domaine public est-il un contrat relevant du droit de la commande publique ? Le tribunal administratif de Nîmes, déjà, avait jugé que oui dans une décision "Soc. des trains touristiques Georges-Eisenreich" le 24 janvier 2008, en se fondant sur l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 décembre 2000, "Telaustria et Telefonadress".

Dans une décision du 10 juin 2009, le Conseil d'Etat lui-même avait jugé que "la procédure engagée par le Port autonome de Marseille est susceptible d'aboutir soit à la conclusion d'une convention portant simplement occupation du domaine public maritime, dont la passation n'est soumise à aucune procédure particulière, soit à la signature d'une convention ayant pour objet la mise à disposition au bénéfice des tiers et l'exploitation de la forme de réparation navale n° 10 ainsi que la réalisation d' importants équipements portuaires (...) que cette convention peut donc être une concession d'outillage public déléguant une mission de service public au cocontractant (...) que le Port autonome de Marseille était ainsi susceptible de conclure, au terme de la procédure d'appel à projet, une délégation de service public relevant de la procédure prévue par les dispositions de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 (...) que dans cette hypothèse, il convient d'appliquer à la procédure de passation du contrat la procédure la plus rigoureuse, soit en l'espèce celle applicable aux conventions de délégation de service public ; que le juge des référés peut dès lors être valablement saisi de la régularité de sa passation".

Dans le doute, il était donc admis que l'on devait "faire comme si", c'est-à-dire adopter la procédure de passation "la plus rigoureuse" pour la passation du contrat, selon les termes-mêmes du Conseil d'Etat. On était donc tenté, a minima, de respecter au moins les principes de liberté d'accès, d'égalité et de transparence avant de conclure un contrat portant sur l'occupation du domaine public. Depuis, la Haute assemblée a jugé que non dans une décision du 3 décembre 2010, portant sur l'occupation du stade Jean-Bouin. Dans cette affaire, le Conseil d'Etat a bien constaté que des sujétions assez pesaient sur l'association, consistant notamment à accueillir des scolaires selon un programme précis décidé par la ville, mais il a jugé que ces contraintes ne caractérisaient pas des sujétions de service public imposant de retenir la procédure "la plus rigoureuse".

La passation des contrats portant occupation du domaine public reste décidément à inventer.

TA Nîmes, 4 oct. 2010, "Soc. Fonroche investissements", req. n° 1002266.

TA Nîmes, 24 janvier 2008, "Soc. des trains touristiques G. Eisenreich", req. n° 0620809, cliquez ici.

Voir aussi CJUE 7 déc. 2000, "Telaustria et Telefonadress", aff. C-324/98, cliquez ici.

CE 10 juin 2009, "Port autonome de Marseille", req. n° 317671, en cliquant ici.

CE Sect., 3 déc. 2010, "Association Paris-Jean-Bouin", req. n°338272 (cliquez ici) et n°338527.

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