La Banque mondiale estime qu'il faudrait 400 milliards de francs pour fournir ne serait-ce que de l'eau propre à tous les hommes (1). Pour faire face à une demande croissante liée à l'urbanisation (la consommation en eau a doublé depuis vingt ans), la plupart des pays recourent à la privatisation pour s'équiper sans alourdir leurs finances publiques. Une aubaine pour les Français, qui peuvent ainsi exporter leur savoir-faire en gestion déléguée. En témoigne la moisson de contrats obtenus (« Le Moniteur » du 30 janvier 1998, p. 16).
Une industrie florissante
Bipe-Conseil estime à 5 % la croissance des activités liées à l'environnement en 1998 et à 580 milliards de francs son chiffre d'affaires en Europe. D'autres chiffres confirment leur bonne santé au niveau mondial (voir tableau). Le traitement de l'eau et des boues constitue le premier marché (36 % du total), devant ceux des déchets (29 %), de l'air et du bruit. Les énergies renouvelables atteindront 9,3 % du marché en 2010.
Les pays européens consacrent entre 1 et 2 % de leur PIB à l'environnement. Même si les pays du Sud sont encore sous-équipés, surtout pour les eaux usées, l'essentiel des besoins se situe dans l'entretien et la modernisation.
Les retombées de la réglementation
« La réglementation européenne pourrait redynamiser un marché très perméable à la gestion privée (50 % du chiffre d'affaires), affirme Daniel Schwartzmann, de Dafsa (2). Rien qu'en France, la future directive européenne sur l'eau potable (voir p. 15 et 23) induirait 120 milliards de francs de dépenses pour changer les canalisations plombées. La suppression des décharges en 2002 coûtera, elle, plusieurs dizaines de milliards de francs.
Ailleurs dans le monde, tous les continents sont le théâtre d'une concurrence acharnée, et pas seulement entre Français. Néanmoins, sur les marchés émergents de l'environnement, la présence de ceux-ci est déjà significative. L'Amérique latine et la Chine passent de nombreux contrats, mais l'Europe de l'Est est aussi prometteuse : la transposition de la réglementation européenne, dans le cas d'un élargissement de l'Union européenne, ouvrira, des marchés. Mais leur financement est difficile et les aides européennes ne suffiront pas.
Vers du sur-mesure
« C'est la fin du localisme. Une grande part de la responsabilité en matière d'environnement est entre les mains de quelques multinationales » , note Dominique Laurin, spécialiste des services urbains (3).
Les Français, qui ont un avantage compétitif en tant qu'exploitants, renforcent leur offre à l'étranger en proposant une gestion multiservice (eau, électricité, assainissement), en constituant des équipes internationales et en multipliant les partenariats dans la recherche ou avec des organisations internationales. Car dans les pays émergents ou en développement, il faut combiner efficacité productive et justice sociale. En effet, l'eau a un coût : en Amérique latine, le manque à gagner est de 9 milliards de francs par an... faute de comptabilisation de l'eau distribuée. Mais il n'existe pas de modèle unique, il faut s'adapter aux spécificités locales. « Il n'y a que du sur-mesure », souligne Daniel Caille, responsable du pôle Eau de Vivendi.
(1) Selon l'OMS, 1,4 milliard de personnes n'ont pas d'eau potable et 1,9 milliard, pas d'installations sanitaires. (2) »Les Stratégies européennes des groupes de services« , Dafsa. Tél. : 01 44 37 26 87. (3) Fondation des villes. Tél. : 01 42 74 01 33.
PHOTO : A Buenos Aires, Safège a réalisé l'ingénierie de la plus grande concession de services urbains du monde (eau et assainissement), remportée, en 1992, par Suez-Lyonnaise des Eaux.
TABLEAU : Le marché des technologies energétiques et de l'environnement dans le monde - Le chiffre d'affaires des services liés à l'environnement va quasiment doubler d'ici à 2010.