Vous êtes à la tête de la métropole depuis plus d'un an. Quel regard portez-vous sur votre action ?
Ce fut un démarrage intense malgré l'impact de la crise sanitaire. La métropole de Lyon a une capacité à agir inégalée. Elle cumule les compétences d'une agglomération très développée, celles du département et, en plus, elle a la main sur les transports en commun. Nous avons une collectivité bien gérée économiquement, ce qui nous a permis de conduire des actions dans de nombreux domaines : au niveau des solidarités, avec la mise en place d'une nouvelle tarification des transports en direction des jeunes ; en matière environnementale, avec la mise en régie de la politique de l'eau ; en termes de mobilités, avec le démarrage du réseau express vélo ; ou encore dans le secteur économique, en lançant des investissements rapidement et en réaffirmant la vocation industrielle de la métropole.
Vous avez remis en question le modèle d'attractivité tel que le pensait Gérard Collomb. Est-ce à dire que vous ne souhaitez plus attirer des entreprises extérieures sur le territoire métropolitain ?
Nous n'avons pas vocation à aller chercher des sièges sociaux d'entreprises, surtout si ces implantations n'ont pas d'impact sur l'emploi local et notre écosystème. Il est vrai que le discours a changé : la métropole n'est pas destinée à grossir indéfiniment ni à vouloir gagner des places dans je ne sais quel classement. Ma préoccupation est tournée vers les habitants et leur bien-être.
Vous souhaitez construire 6 000 logements sociaux par an. Comment comptez-vous relever ce défi ?
C'est un objectif ambitieux que nous visons pour la fin du mandat. Nous avons un besoin énorme de logements, notamment sociaux. Je rappelle que sur 10 demandes, une seule est satisfaite. Pour atteindre notre but, nous allons augmenter significativement la part des logements sociaux dans les ZAC. Hors quartiers populaires, elle s'élèvera entre 40 et 60 %. Nous avons d'ailleurs retouché l'ensemble des projets urbains pour y parvenir. Nous allons également travailler dans le diffus, notamment avec les bailleurs.
La métropole s'est dotée d'un organisme foncier solidaire. Quels objectifs porte-t-il ?
Nous visons la construction de 1 000 logements en bail réel solidaire d'ici à la fin du mandat. Ce dispositif permettra aux classes moyennes d'avoir accès à la propriété, et à la collectivité de contrôler la hausse des prix des fonciers.
Nous espérons parvenir à mieux travailler avec les maires des communes de la métropole pour développer ce type d'opérations. Pour les encourager à construire des logements, nous allons mettre en œuvre des dispositifs incitatifs comme la dotation de solidarité communautaire. Nous réfléchissons également à la possibilité pour la métropole de financer une partie des équipements municipaux que ces villes auront à porter pour accompagner l'accroissement de population sur leur territoire.
Sur la question du logement comme de l'immobilier tertiaire, les tensions que nous connaissons doivent nous amener à un rééquilibrage territorial avec d'autres pôles urbains comme Saint-Etienne, Roanne ou Bourg-en-Bresse.
Lyon et Villeurbanne sont désormais éligibles à l'encadrement des loyers. De quels autres leviers allez-vous user pour réduire la pression sur les prix ?
Nous sommes très satisfaits de cette décision. Cette mesure, qui sera effective le 1er novembre, est un bon levier pour contrôler les prix, notamment ceux des petites surfaces, mais c'est un élément parmi d'autres. Nous allons travailler sur trois autres leviers : le repérage d'abord des logements vacants, ensuite des logements indécents non pas pour les pointer, mais pour proposer aux propriétaires des solutions de remise en l'état et de gestion locative, y compris avec des fonds publics sous réserve que ces logements repartent dans le giron du logement social. Enfin, nous allons accentuer la lutte contre les locations touristiques illégales.
Il y a également le sujet de la colocation, sur lequel nous n'avons pas encore avancé, mais qui nous paraît prometteur. Qu'elle soit intergénérationnelle ou dans des familles contre service, la colocation nécessite un soutien juridique et un maillage que nous pourrions apporter. Nous savons qu'il y a un certain nombre de chambres disponibles sur notre territoire. Ce serait une solution plus rapide à mettre en œuvre que la construction de logements.
Vous avez lancé en septembre une consultation publique sur l'extension du réseau de métro. Qu'en attendez-vous ?
Pour la première fois, une consultation sur le développement des transports en commun est lancée sur notre territoire [hors plan de déplacements urbains, NDLR]. Elle traduit notre volonté de mener un débat public sur la question de la nécessité, ou pas, de développer le réseau. J'attends beaucoup de ce débat. J'espère qu'il mènera à un consensus entre citoyens, associations et élus pour dégager les priorités d'extension ou de création de ligne de métro car les investissements, s'ils sont lancés, vont grever les comptes sur plusieurs mandats.
Le projet de transport par câble reliant Francheville à Lyon soulève de nombreuses réactions. Envisagez-vous, au vu des oppositions, qu'il ne se fasse pas ?
Je crois beaucoup à ce type de transport. Il permet globalement d'avoir la rapidité et la capacité d'un tramway, de passer des obstacles tels que des collines et des fleuves, il est écologiquement intéressant et permet l'intermodalité avec le vélo. Ma conviction est qu'il est adapté pour relier l'ouest lyonnais au centre mais c'est la concertation, qui sera lancée mi-novembre, qui décidera de l'opportunité de ce mode de transport dans un débat que j'espère serein et transparent.
Une autre concertation est en cours sur l'extension de la zone à faibles émissions (ZFE). Comment allez-vous accompagner les professionnels pour, notamment, adapter leur parc de véhicules ?
La ZFE pour les professionnels, votée en 2019 à l'unanimité du conseil, a mis en place l'interdiction des vignettes Crit'Air 3 au 1er janvier 2021 ainsi qu'un système d'aide à l'achat de véhicules propres. Trois difficultés sont apparues : une communication insuffisante auprès des entreprises, aucune contrainte et des dérogations qui n'ont pas été assez travaillées. Nous avons assoupli cette ZFE en accordant des exceptions supplémentaires et nous poursuivrons dans cette voie.
Le PLU-H en cours de modification sera plus restrictif pour les nouvelles constructions. Comment concilier les besoins de nouveaux logements et d'équipements avec ces contraintes ?
Notre objectif prioritaire est de lutter contre l'artificialisation des sols. Entre 2007 et 2017, la consommation des terres agricoles s'est faite sur un rythme de 90 hectares par an.
Il faut stopper cette consommation de foncier et densifier le cœur de l'agglomération, là où il y a des lignes fortes de transports en commun. Par ailleurs, nous devons travailler au niveau de l'inter-Scot [aire métropolitaine Lyon-Saint-Etienne, NDLR] à quelque chose de plus équilibré afin de freiner l'étalement urbain.
Vous plaidez pour construire « mieux » dans la métropole. Quid de la pénurie de certains matériaux ?
Cette situation pose la question de nos filières d'approvisionnement. Je souhaite que la métropole porte l'innovation comme nous l'avons fait récemment avec la mise en œuvre d'une peinture anti-chaleur. Il faut que l'on arrive à modifier nos conditions d'achat en travaillant sur un schéma d'achat responsable et en impliquant les entreprises. L'objectif est clair : accroître, petit à petit, nos exigences environnementales, sociales, privilégier les entreprises appliquant la RSE, tout en permettant aux filières de se développer.