Décryptage

La lente dégradation du patrimoine routier se poursuit

L’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (Idrrim) a publié, le 20 novembre, le 3e rapport de l’Observatoire de la route (ONR). Principal enseignement de cette édition, portant sur l’année 2018 : malgré une progression des moyens consacrés au patrimoine routier, la tendance reste à une dégradation du réseau.

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Asphalt curved road passing through the fields in the region of Normandy, France. Landscape in autumn sunny day. Toned
Route en Normandie

C’est la 3e fois que l’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (Idrrim) publie le rapport de l’Observatoire national de la route (ONR).

Une réussite en soi, s’est félicité le directeur général, David Zambon : « L’annualité de ces conclusions est un élément important. Cela permet à la problématique de la gestion du patrimoine routier de rester dans le débat, d’installer le sujet sur le long terme et d’avoir toujours un rendez-vous récurrent ».

L’ONR se focalise sur deux aspects : les moyens consacrés par les gestionnaires publics à la préservation de leur patrimoine (donc hors grands chantiers et travaux neufs), et l’état des infrastructures.

Les données de l’Etat sur le réseau national sont disponibles en open data. Pour les collectivités locales (départements et métropoles), l’ONR s’appuie sur une enquête « car elles n’ont pas d’obligation de déclaration », rappelle David Zambon.

Les réponses des départements progressent d’année en année, note l’Idrrim, en quantité (69 ont répondu à l’enquête en 2019, contre 65 l’an passé), comme en qualité. Certains fournissant leurs données depuis trois ans, « Les réponses sont chaque fois plus précises, indique David Zambon. Nous notons un progrès dans la démarche de chaque gestionnaire dans la connaissance et la capacité à faire émerger des données parlantes », favorisant un suivi.

Plus de moyens consacrés au patrimoine

Le volet financier montre globalement une hausse des investissements consacrés à la préservation du patrimoine routier, pour tous les gestionnaires. Tous avaient pourtant connu une baisse plus marquée que les autres années en 2017, qualifiée « d’accident » par l’Idrrim. David Zambon ajoute : « il y a une reprise certaine depuis deux ans, mais dans le même temps, les indices TP ont aussi beaucoup augmenté [+9,1 points entre 2017 et 2018 sur la fabrication et la mise en œuvre d’enrobés, +4,8 points sur les travaux d’aménagement et d’entretien de la voirie, NDLR]. » La croissance en volume est ainsi difficile à mesurer pour l’institut.

  • Net effort d’investissement de la part de l’Etat

Malgré un « accident » en 2017, l’évolution des dépenses d’investissement de l’Etat, hors grands travaux, traduit un véritable effort. Le niveau des dépenses de l’année 2018 dépasse même légèrement celui de 2016 (autour de 45 000 euros investis par km). La loi d’orientation des mobilités, votée le 19 novembre, promet de poursuivre cette croissance, « pour arriver à une enveloppe de 930 M€ par an au lieu des quelque 660 M€ investis auparavant ».

Cependant, comme l’avait souligné un audit externe rendu public à l'été 2018, ce niveau d’effort ne devrait pas permettre de stopper la dégradation du réseau routier national non concédé (RRNNC), rappelle l’Idrrim.

Du côté des dépenses de fonctionnement (entretien courant et exploitation, hors personnel), elles « poursuivent une lente érosion sur la période 2013-2018, mis à part la baisse exceptionnelle constatées en 2017 ». Si bien que le ratio entre investissement et fonctionnement se creuse : alors qu'il représentait 58% des dépenses totales consacrées au patrimoine routier entre 2013 et 2015, la part de l’investissement est montée à 66% sur les deux années suivantes, contre 34% pour le fonctionnement.

  • Les départements se rattrapent

Après un repli de 16% entre 2013 et 2016, les départements ont augmenté leurs budgets d’investissement depuis, ce qui a permis une récupération de 14%. Ils ont ainsi dédié un peu moins de 6 000 euros par km à leur patrimoine routier.

L’ONR se penche aussi sur les dépenses en euros par habitants, en affinant l’analyse par strate de départements. Il en ressort que les collectivités les plus « petites » fournissent les plus gros efforts, puisqu’elles consacrent plus de 65€ par habitant à leur voirie, soit deux fois plus que la moyenne de l’ensemble des départements. « Dans les territoires ruraux, la route est perçue comme le premier service public que l’on peut offrir », estime David Zambon.

Les dépenses de fonctionnement hors personnel s’établissent autour de 2 000 euros par km pour les conseils départementaux. Un niveau qui se stabilise d’année en année, exception faite des petites collectivités qui connaissent une nette hausse : +22% depuis 2016.

L’état du réseau ne s’améliore pas

Comptez 20 à 25 ans pour renouveler les couches de surface du réseau national non concédé. Environ 13 ans pour les routes départementales, et en moyenne 11 ans du côté des réseaux métropolitains. Alarmant pour le réseau géré par l’Etat, le constat l’est donc moins pour les autres gestionnaires.

  • Lente et constante dégradation du patrimoine de l’Etat

Appuyée par les données IQRN, cette tendance est plus marquée sur les 12 000km du réseau national non concédé, malgré l’effort financier consenti. La part des chaussées en bon état est ainsi passée de 52,1% en 2016, à 51,8% en 2017 et à 51,5% en 2018. Les voiries en mauvais état représentent quant à elles 17,9% du total l’an passé.

Sur les 12 172 ponts gérés par l’Etat et dont les données sont disponibles (environ 4,5% du patrimoine ne serait pas évalué), même constat. La part des ouvrages en bon état passe en un an de 70,3% à 69,5%, celle des ouvrages nécessitant des travaux d’entretien spécialisé augmente de près d’un point (24%). Maigre consolation, la proportion d’ouvrages dont la structure est plus ou moins altérée se stabilise (6,6%).

L’Idrrim ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour permettre de dégager une évolution de l’état des murs de soutènement. Sur le RRNNC, les données portent sur 4850 murs, et uniquement sur l’année 2017, puisqu’elles n’étaient pas encore disponibles pour 2018. A ce moment, 60,9% des murs étaient en bon état, 25,4% nécessitaient des travaux d’entretien spécialisé, 13,7% dont la structure est plus ou moins altérée.

  • Stabilité pour les voiries départementales, mais dégradation pour leurs ouvrages d’art

Globalement, les départements apparaissent comme de meilleurs élèves, puisque l’état de leur patrimoine routier se maintient depuis 2016 (autour de 55,5% de chaussées en bon état). L’Idrrim trouve même « une légère amélioration sur les réseaux de catégorie 1 et 2 » [respectivement 61% et 58% de chaussées en bon état, NDLR], représentant les voies les plus structurantes et circulées.

Globalement, leurs murs de soutènement sont en meilleur état que ceux du réseau national (à hauteur de 65%). Ce n’est pas le cas pour les ponts.

En effet, entre 2017 et 2018, la part des ponts en bon état est passée de 62,4% à 59,6%. Il y a tout de même un point positif : alors que l’échantillon porte sur le même nombre de départements sur les deux années (34), le nombre d’ouvrages évalués, lui, a progressé (près de 2000 ponts supplémentaires). « La politique d’évaluation de l’état des ouvrages d’art s’est accélérée », constate ainsi David Zambon. La prise de conscience de la nécessité d’investir dans ces ouvrages et d’en assurer un meilleur suivi semble avoir fait du chemin.

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Date de réponse 10/10/2025