La jeunesse porte l’espoir de l’habitat rural

Du logement à l’aménagement des territoires, les Etats généraux de l’habitat ont répondu aux attentes des parcs naturels régionaux et du programme des Petites villes de demain. Les deux réseaux ont posé les jalons d’un réenchantement du monde rural, au cours des journées d’échanges accueillies par l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris Val-de-Seine, les 25 et 26 novembre.

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Michaël Weber
Michaël Weber, président de la fédération nationale des parcs naturels régionaux, a ouvert les Etats-généraux de l'habitat, le 25 novembre à l'école d'architecture Paris Val-de-Seine.

La jeunesse des villes galvanise les espoirs des baby-boomers de l’aménagement du territoire. Vétéran des « ateliers hors les murs » qu’il anime depuis 2005 avec ses élèves de l’école d’architecture de Nancy dans le cadre d’un partenariat avec les parcs naturels régionaux, Marc Verdier ne se lasse pas de partager l’énergie qu’il moissonne d’année en année : « Les étudiants comme leurs professeurs en reviennent boostés comme pas possible par l’envie de faire », a jubilé l’enseignant et directeur du conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Meurthe-et-Moselle, le 25 novembre lors de la séance d’ouverture des Etats généraux de l’habitat.

La longueur d’avance des parcs régionaux

Marginal en 2005, le discours de Marc Verdier prend des allures de prophétie, à la lumière de deux  tournants majeurs : la crise sanitaire accélère le regain d’attractivité de la ruralité, au moment où la loi Climat et Résilience fixe ses objectifs de sobriété foncière. Co-initiateurs des Etats généraux, les Parcs naturels régionaux (PNR) ont prouvé la longueur d’avance qu’ils détiennent pour répondre à ces demandes sociétale et politique.

« Grâce aux liens noués avec les architectes, les urbanistes et les artisans, nos territoires artificialisent moins que les autres », rappelle Michaël Weber, président de la fédération nationale des parcs naturels régionaux (FNPNR). Une autre statistique moins connue relie ces derniers à la performance économique : « La production représente 37 % de l’activité de nos territoires, contre 32 % dans le reste du pays, métropoles comprises », souligne le président.

La légitimation d’un programme d’Etat

Avec ses 1600 communes et ses chefs de projets récemment recrutés, le programme national des Petites villes de demain (PVD), second initiateur des états-généraux, offre aux PNR une caisse de résonnance optimale : « Seule une approche en finesse permettra de progresser vers le Zéro artificialisation nette, incompatible avec l’application d’un modèle plaqué. Les ateliers hors les murs et les petites villes de demain s’inscrivent dans cette logique », plaide Joël Giraud, secrétaire d’Etat à la ruralité.

Le programme « Bien vieillir dans les petites villes de demain », en cours de lancement, offrira un premier point d’appui, confirmé le 25 novembre par Emmanuelle Le Bris, cheffe de projet PVD à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Garde-fous

La légitimation institutionnelle favorise un effet boule de neige, comme en témoigne l’appel lancé aux futurs architectes par Véronique Tirant, responsable des quartiers anciens et de l’aménagement à l’Agence nationale de l’habitat (Anah) : « Revenez dans les territoires, y compris vers les copropriétés fragiles et dégradées », s’est-elle écriée, dans la perspective de la mise en place du guichet unique pour les éco-rénovations en 2022. 

L’enthousiasme général n’empêche pas la pose de quelques garde-fous : « Loin de nous l’idée de créer des architectes de la ruralité », prévient Marc Verdier. « La frugalité heureuse pensée par des architectes des villes ne répond pas forcément aux possibilités financières du monde rural », alerte François Tacquard : l’ancien président de la communauté de communes de Saint-Amarin (Haut-Rhin), le démontre à travers l’exemple de l’éco-rénovation des friches textiles de Wesserling, où le réemploi et la participation citoyenne ont poussé les limites de la maîtrise des coûts sans pénaliser la qualité.

Miracles à Saint-Pierre de Frugie

Au panthéon des expériences heureuses présentées aux Etats généraux, Saint-Pierre de Frugie (Dordogne) occupe la place sommitale : fermée en 2007, l’école a repris du service neuf ans plus tard, équipée d’une cantine alimentée grâce au recrutement d’un maraîcher. Ouverte dans la foulée, l’épicerie de produits locaux emploie désormais deux plein temps. Un collège ouvrira l'an prochain.

« Les deux ateliers hors les murs que nous avons accueillis depuis 2017 nous ont beaucoup inspirés, d’abord dans le choix de commencer par densifier l’existant, puis dans le processus qui aboutit au permis d’aménager en cours d’études pour l’extension du village », témoigne le maire Gilbert Chabaud. Depuis sa première élection en 2008, la population communale est passée de  360 à 520 habitants. L’emprise d’1,6 hectare accueillera 15 parcelles, dans le projet d’extension élaboré avec le CAUE de Dordogne.

La convergence en cours entre les ateliers hors les murs et les PVD trouve l’une de ses ambassadrices les plus enthousiastes de l’autre côté de l’hexagone : « Venus d’Angers et Paris en février 2021, les étudiants en paysage et en urbanisme ont réussi à fédérer les envies et à donner du sens au projet de renaissance de la ville autour du thermalisme », se réjouit Lydie Barbaux, maire de Plombières-les-Bains (Vosges, 1700 habitants).

Massifier le beau

Mais si réconfortantes soient-elles, « Les success stories ne font pas un modèle », a mis en garde Romain Lajarge, enseignant chercheur à l’école d’architecture de Grenoble et responsable scientifique du programme Popsu Territoires consacré aux centre-bourgs. Sa remarque pose la question de la suite des Etats généraux, ainsi formulée par Eric Brua, directeur de la FNPNR : « Comment s’appuyer sur le savoir-faire national en éco-rénovation pour massifier le beau ? » Les PNR espèrent sortir du syndrome décrit par Marc Verdier : « Attention aux idées magnifiques qui pourrissent dans les greniers des écoles d’architecture »…

Les troupes alignées par ces dernières confortent l’espoir : « Chacune des 20 écoles d’architecture propose son atelier hors-les murs. Il en va de même pour Chaillot. En tout, 300 enseignants revendiquent une contribution à la revitalisation rurale », recense Jean-Louis Coutarel, enseignant à l’école d’architecture de Clermont-Ferrand et chargé de mission à l’ANCT.

Au carrefour entre les dynamiques participatives et l’expertise professionnelle, la dernière table ronde des Etats-Généraux a ouvert des pistes autour de la question posée par Benoît Melon, directeur de l’école de Chaillot : « Comment susciter l’adhésion du plus grand nombre ? » A défaut d’apporter des réponses définitives, les acteurs des Etats-Généraux ont stimulé un appétit, dans un calendrier prometteur et avec une visibilité inédite.

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