Le numéro un allemand de l'énergie E.ON part à l'assaut de la première place mondiale, détenue par le français EDF. Il propose de racheter le groupe d'électricité espagnol Endesa pour 29,1 milliards d'euros pour, alors que ce dernier est déjà la cible d'une offre hostile d'un autre espagnol, Gas Natural.
Le marché européen de l'énergie est en pleine ébullition. Sa récente libéralisation a déclenché une vague de fusions et acquisitions qui a profondément modifié le paysage et semble loin d'être terminée.
E.ON, numéro un allemand du secteur, s'est dit mardi prêt à mettre 29 milliards d'euros sur la table pour une opération qui ferait de lui le premier fournisseur mondial de gaz et d'électricité.
Un montant qui n'a rien d'exceptionnel sur ce marché. L'offre de Suez sur le belge Electrabel l'an dernier valorisait la société à 22 milliards d'euros, le rachat de l'italien Edison a fait gonfler la dette d'EDF de 7 milliards d'euros, tandis que le numéro deux allemand RWE a acheté pour quelque 30 milliards d'euros d'actifs en quatre ans.
Ces acquisitions répondent à une exigence de taille critique pour des entreprises qui d'une part vont devoir faire face à de gros investissements dans leurs capacités de production électrique, et sont confrontées d'autre part à la maturité de leurs marchés domestiques, de plus en plus concurrentiels.
L'Europe aura besoin de 250 à 300 gigawatts de nouvelles capacités de production électrique ces quinze prochaines années, a déclaré mardi Wulf Bernotat, le PDG d'E.ON. Seuls des groupes de grande envergure peuvent supporter des investissements aussi lourds dans des centrales électriques.
L'ouverture progressive des marchés du gaz et de l'électricité en Europe à partir de la fin des années 1990 a de plus forcé les acteurs, souvent des ex-monopoles, à se trouver d'autres sources de revenus.
Ils ont fait des incursions dans des domaines d'activités nouveaux, comme la téléphonie (E.ON avec l'opérateur de téléphonie One en Autriche, l'italien Enel avec Wind), avant de décider pour la plupart de se recentrer sur leur coeur de métier et d'élargir leur domaine d'action à l'étranger.
Les groupes allemands, confrontés dès 1998 à la libéralisation totale de leur marché domestique, ont été pionniers. E.ON, fruit d'une méga-fusion nationale, et RWE, ont acheté et vendu à tour de bras ces dernières années, avec une prédilection pour la Grande-Bretagne et l'Europe centrale et de l'est.
Les privatisations de sociétés de gaz et d'électricité de l'Est attisent maintenant la convoitise de tous les Européens. Gaz de France a ainsi fait son entrée en Roumanie en 2004 en rachetant une part de Distrigaz sud.
Le début de privatisation du gazier français et d'EDF l'an dernier vont donner aux deux ex-monopoles les moyens de leurs ambitions. Signe annonciateur de consolidation, d'autres acteurs européens pourraient prendre le chemin de la Bourse, en Suède par exemple où Vattenfall est toujours détenu par l'Etat.
Les prix élevés de l'énergie, qui dopent les profits des entreprises, constituent une motivation et une source de financement supplémentaires. Par ailleurs, les acteurs européens assainissent leurs portefeuilles, et les capitaux ainsi dégagés servent à financer de grosses opérations.
C'est grâce à la vente des activités industrielles de Ruhrgas et de ses actifs immobiliers qu'E.ON a aujourd'hui les moyens de se payer Endesa. Enel pour sa part a cédé l'an dernier Wind, une opération de plus de 12 milliards d'euros, et lorgne maintenant aussi du côté de l'Espagne.
Dans une partie qui s'est jouée pour le moment principalement entre Européens, d'autres acteurs s'annoncent. Le géant russe du gaz Gazprom, détenu à hauteur de 6,5% par E.ON, a déjà fait part de son intérêt pour Centrica.
Ailleurs dans le monde, le secteur de l'énergie n'est pas en reste. En Australie, Alinta a lancé mardi une offre de 6,6 milliards de dollars sur son concurrent Australian Gas Light pour donner naissance au premier fournisseur du pays.
Mathilde Richter (AFP)