La défense des constructeurs dans le cadre du procès

Fiche 6/6 RT 2012 et responsabilité des constructeurs -

Lorsque vient le temps du litige, il appartient aux constructeurs de démontrer, soit le fait d’un tiers, soit une immixtion fautive du maître d’ouvrage dans les travaux, soit la force majeure. Avec la RT 2012, le débat judiciaire va nécessairement évoluer : nouveaux matériaux, énergies renouvelables... imposent un regard nouveau sur la responsabilité des constructeurs.

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Quels arguments de défense les constructeurs peuvent-ils opposer au maître d’ouvrage ?

Dans ce contexte d’une responsabilité aggravée, de quelles armes juridiques disposeront les constructeurs pour se défendre ? Il restera en premier lieu aux constructeurs l’argument du défaut d’imputabilité puisqu’en la matière, la charge de la preuve pèse sur le maître d’ouvrage ou ses ayants droit (1). En matière de garantie légale, les causes exonératoires de responsabilité sont ensuite limitées : fait du tiers, fait du maître d’ouvrage [immixtion fautive (2), acceptation délibérée des risques (3)], et force majeure. La notion d’innovation technologique n’y figure pas, alors qu’évidemment les constructions dites écologiques vont y recourir. Les constructeurs vont devoir assumer le risque de l’utilisation de matériaux innovants, et de techniques parfois mal connues. Leur obligation sera même accrue en matière de conseil et d’information puisqu’ils devront transmettre l’information permettant un bon usage et un entretien convenable du matériau.

Les constructeurs peuvent-ils soutenir que le maître d’ouvrage n’utilise pas celui-ci conformément à sa destination ?

Au rang des causes exonératoires, celle qui sera certainement la plus évoquée procède des conditions d’utilisation de l’immeuble (4). La consommation d’énergie va évidemment dépendre des conditions d’usage de l’immeuble qui pourraient, à elles seules, expliquer une non-conformité à la RT 2012. L’hypothèse serait celle du maître d’ouvrage qui laisse les fenêtres ouvertes sans éteindre le chauffage, qui maintient une température intérieure excessivement élevée ou qui prend plusieurs bains par jour en laissant toutes les lumières allumées. La difficulté sera néanmoins de prouver la réalité puis l’anormalité de ce comportement, sachant que la charge de la preuve pèse sur le constructeur qui prétend s’exonérer totalement ou partiellement. Une autre cause exonératoire pourrait résulter du défaut d’entretien, s’il a un lien de causalité avec le dommage (5), et s’il est établi que le maître d’ouvrage a été correctement informé des conditions d’entretien que le constructeur lui reproche de ne pas avoir respectées. Le débat se déplacera sur le terrain du devoir de conseil des constructeurs et sur celui du devoir d’information du fabricant de matériel, notamment au regard des éléments contenus dans la notice du produit installé.

Le recours à l’argument de la force majeure reste délicat en ce qu’il suppose la réunion de trois critères cumulatifs tenant à l’extériorité, à l’imprévisibilité et à l’irrésistibilité de l’événement en cause (6). Il a été jugé que « un ouragan d’une violence exceptionnelle peut constituer un événement de force majeure » dégageant l’entrepreneur de toute responsabilité (7). Les juridictions restent toutefois peu enclines à en faire bénéficier les constructeurs pour les exonérer de leur responsabilité (8). Pour autant, certaines énergies renouvelables utilisent les éléments naturels comme le soleil ou le vent… comment faudra-t-il tenir compte des caprices du temps ?

Peut-on envisager des aménagements contractuels au régime de responsabilité ?

Pour essayer de minimiser le risque d’une responsabilité aggravée par la nouvelle norme, les constructeurs pourraient être tentés d’aménager contractuellement la responsabilité encourue. Si le litige relève des principes de garanties légales, l’ exclut tout aménagement conventionnel ayant pour objet d’exclure ou de limiter les responsabilités encourues par le constructeur. Aucun aménagement ne peut donc par principe être envisagé pour les dommages ou non conformités qui relèvent de la garantie décennale et il en sera de même pour l’une des dispositions d’ordre public de la RT 2012 dont au premier chef les trois obligations de résultats imposées par la nouvelle norme. En revanche, la question pourrait se poser pour les prescriptions contractuelles plus contraignantes que la norme. Les parties devraient pouvoir inclure dans le contrat, une clause de tolérance qui sera valable entre professionnels, mais pas en revanche à l’égard d’un particulier (9). La clause de limitation de garantie restera proscrite même pour une obligation purement contractuelle considérée comme étant essentielle au contrat. Par analogie, le raisonnement sera le même que celui de la jurisprudence « Chronopost » sur les clauses limitatives de responsabilité contraire à une obligation essentielle du contrat (10).

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