Temps fort du colloque FFB sur l’assurance décennale : les interventions du président du Comité construction de la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), Pierre Esparbès, et du professeur de droit, Hugues Périnet-Marquet, à propos de la couverture du défaut de performance énergétique dans le cadre des réglementations thermiques. Cette question complexe d’un point de vue juridique et dont les enjeux économiques sont évidents, inquiète l’ensemble des acteurs concernés, tant les constructeurs que les assureurs, et l’unanimité n’est pas de mise sur la prise en charge de ce nouveau risque. Preuve en est, la création fin 2012, dans le cadre du Plan bâtiment durable, d’un nouveau groupe de travail sur la garantie de performance énergétique, faisant suite aux premières réflexions contenues dans le rapport Jouvent/Costa d’avril 2012, ainsi que les échanges animés lors du colloque du 17 janvier. Alors, le défaut de performance relève-t-il oui ou non du champ de la garantie décennale ?
Pour la FFSA : il faut sortir de la décennale
Selon Pierre Esparbès, s’exprimant au nom de la FFSA, la garantie décennale ne peut pas épouser le défaut de performance énergétique. L’inclusion de ce risque dans le régime de la responsabilité légale des constructeurs risquerait de rompre l’équilibre de la loi Spinetta de 1978, et d’opérer un transfert des risques du constructeur vers l’assureur – avec une augmentation corrélative des primes.
Ce risque devrait, pour la FFSA, être couvert par une garantie spécifique, exclusive, dans le cadre d’un contrat classique d’assurance de responsabilité civile. Le régime de cette responsabilité serait celui pour faute prouvée et la durée de la garantie serait de cinq ans après la réception. Un dispositif d’accompagnement du consommateur, lésé par la performance non atteinte, serait mis en place pour l’aider dans la démonstration d’une faute et la recherche de l’imputabilité.
Cette position, inspirée par la prudence, permettrait d’éviter aux assureurs une extension de facto de leur couverture via la décennale, garantie obligatoire. Elle n’a toutefois pour l’instant fait l’objet d’aucune communication écrite semble-t-il, car il y aurait encore des débats au sein de la FFSA.
Le point de vue du juriste, le professeur Périnet-Marquet
Hugues Périnet-Marquet, professeur à l’université Paris II Panthéon-Assas, a rappelé que la loi Spinetta a su faire face aux nouveaux enjeux économiques, techniques et juridiques qui se sont posés à elle depuis 35 ans, et qu’il n’est donc pas exclu qu’elle se montre adaptable à ce nouveau champ de responsabilité que constitue le défaut de performance énergétique. Dans la suite de cette assertion, viennent deux interrogations : peut-on vraiment prôner une responsabilité non durable (inférieure à dix ans) dans le cadre d’une logique de développement durable ? Est-ce pourtant une réponsabilité décennale ?
Par ailleurs, le risque que les juges puissent dire qu’une performance non atteinte rende l’ouvrage impropre à sa destination (critère de la décennale) est important, et le dénier ne résoudra pas l’insécurité juridique qui règne actuellement et à laquelle il faut rapidement apporter une réponse.
Pour conclure, le professeur rappelle que c’est aux professionnels de trouver la meilleure solution d’assurance. À défaut ce sera un choix politique, donc du ressort du législateur dont les solutions « laissent parfois coi »… Espérons que le nouveau groupe de travail sur la garantie de performance énergétique, qui doit rendre ses préconisations fin mars 2013, puisse satisfaire l’ensemble des parties prenantes avec des propositions équilibrées et propices au développement de la RT 2012.