La Cour des comptes critique les PPP du Plan Hôpital 2007 et la transformation des foyers de travailleurs migrants

Dans le rapport annuel de la Cour des comptes publié le 11 février, deux dossiers retiennent notre attention : les partenariats public-privé du Plan Hôpital 2007 et la transformation des foyers de travailleurs migrants en résidences sociales.

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La Cour des comptes, gardienne de l'emploi des deniers publics, a présenté son rapport annuel 2014

Une procédure mal maîtrisée

Dans son rapport, la Cour des comptes consacre un long chapitre aux partenariats public-privé (PPP) du Plan Hôpital 2007. S’ils ne se prononcent pas expressément sur le bien-fondé du recours au PPP, les Sages de la rue Cambon sont critiques sur le bilan méthodologique du volet PPP du Plan Hôpital 2007. A l’issue de l’examen de 14 opérations, la Cour aboutit à la conclusion suivante : « Ces procédures ont été engagées de manière précipitée, les avantages qui sont attribués aux PPP ont été mal exploités et leurs enjeux financiers ont été insuffisamment pris en compte ». Elle explique au passage que  « si leur caractère encore très récent ne permet pas d’en tirer des conclusions définitives sur le plan financier, la relance annoncée en mai 2013 de l’investissement hospitalier, à hauteur de 45 milliards d’euros sur dix ans, renforce la nécessité que puissent être évitées les difficultés auxquelles les établissements ont pu être confrontés en ce domaine ».

Si l’essentiel du plan a été réalisé en maîtrise d’ouvrage publique et financé par l’emprunt (16 milliards d’euros), 24 ont été conduits en PPP (*) pour un investissement de 613 millions.  « Le plan Hôpital 2007 a essentiellement retenu en PPP des opérations prêtes ou en cours de montage. Il n’y a pas eu de véritable sélection », regrette les Sages qui critiquent « une procédure du PPP déployée dans la précipitation, sans que les outils juridiques d’accompagnement des établissements et de pilotage soient suffisamment disponibles ».

Au total, note la Cour, « les PPP hospitaliers s’exécutent donc selon trois formes juridiques différentes, qui se sont rapprochées au fil du temps » : baux emphytéotiques administratifs signés par des collectivités territoriales, ordonnance du 4 septembre 2003 ouvrant les baux emphytéotiques hospitaliers (BEH) aux établissements de santé et à leurs groupements, contrats de partenariat avec conditions d’urgence et de complexité. "La publication successive de ces textes a été trop tardive au regard des négociations engagées et d’une certaine précipitation de la sélection des opérations", regrette la Cour.

Sur le choix du PPP, la Cour regrette « qu’aucune étude préalable n’ait été réellement exigée, ni sur les incidences financières du projet, ni en termes de comparaison avec la procédure de maîtrise d’ouvrage publique ». Dans l’échantillon retenu par la Cour et les chambres régionales des comptes, ces analyses n’ont été réalisées que dans un cas sur deux et ont pratiquement toujours conclu au bien-fondé du recours au PPP, dont le choix était prédéterminé.

La Cour estime ainsi que «le défaut de préparation suffisante à cette nouvelle procédure, l’inexpérience des négociateurs et une assistance largement orientée en faveur des PPP ont abouti à la sélection d’opérations disparates et à la signature de contrats porteurs d’incertitudes financières ».

Un usage partiel des avantages du PPP

Outre l’effet de levier financier évitant aux établissements de mobiliser leur capacité d’emprunt, les avantages attribués au PPP tiennent à la simplicité d’un dialogue bipartite, au partage des risques entre la personne publique et le preneur, et à la production de gains d’efficience. « Ces atouts ont été inégalement exploités », indique la Cour qui note toutefois que les délais de livraison ont été généralement bien tenus.

Des clauses de « précaution » pour assurer la continuité du service public ont été intégrées dans de nombreux contrats avec une série de sanctions pécuniaires applicables en cas d’indisponibilité de chacune des fonctions indispensables au centre hospitalier. « Certaines ne sont pas suffisantes », relève l’institution et « les contrats examinés ne couvrent pas suffisamment la diversité des conflits pouvant survenir dans une période de 18 à 30 ans. Nombre de ceux-ci sont la conséquence de rédactions elliptiques ». Or les avenants sont quasiment inévitables lorsque l’investissement concerne une activité de soins, compte tenu de la durée des contrats. « Un équilibre doit être trouvé entre la stabilité du contrat qui apporte la sécurité financière et les modifications nécessaires à l’évolution des pratiques médicales. C’est une des sources de la complexité inhérente aux PPP hospitaliers », juge la Cour qui ne néglige toutefois pas le fait que l’instabilité des équipes dirigeantes hospitalières a participé à la non maîtrise des règles applicables.

Un encadrement à renforcer

La Cour retient de son examen que « les conditions financières d’intervention des partenaires privés n’ont pas été considérées comme essentielles au regard des avantages attendus : respect des délais, limitation du nombre d’interlocuteurs, et apports de solutions techniques innovantes. La taille, trop souvent limitée, des établissements engagés ne leur a pas permis de disposer des compétences suffisantes pour anticiper les conséquences du choix du PPP ».

Elle préconise, au vu de l’expérience, « un meilleur accompagnement des établissements dans l’élaboration du programme fonctionnel et dans la négociation du contrat à passer avec le partenaire privé ». Et d’ajouter : « Un référentiel sur le bon usage des PPP s’impose pour favoriser une plus grande sélectivité des projets au regard des contraintes liées à l’évolutivité rapide du secteur hospitalier. En cela, le renforcement des pouvoirs des agences régionales de santé (ARS) est une avancée incontestable à la condition que celles-ci disposent des moyens nécessaires ».

Trois recommandations

La Cour et les chambres régionales des comptes formulent les recommandations suivantes :

1. améliorer les capacités de l’agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) à produire des guides méthodologiques fondés sur une analyse des bonnes pratiques et à élaborer des analyses comparatives indépendantes et lui donner mission d’accompagner les établissements in situ au cours des négociations ;

2. renforcer les compétences techniques, juridiques et financières des agences régionales de santé (ARS) pour leur permettre de mieux apprécier la pertinence des projets de PPP et le suivi de leur exécution ;

3. inciter les établissements engageant une opération en PPP à se doter d’une structure de projet stable pour préparer le programme fonctionnel, négocier le contrat et en suivre la réalisation.

Quatre projets portent sur la réalisation d’un hôpital complet ou sur des regroupements d’établissements:

. centre hospitalier de Bourgoin-Jallieu (Isère) (141 millions) ;

. centre hospitalier d’Annemasse-Bonneville, appelé Alpes-Léman (Haute-Savoie) (134,6 millions);

. centre hospitalier Sud francilien (Essonne) (281,8 millions) ;

. cité sanitaire de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).

Huit visent des augmentations de capacité en médecine-chirurgie-obstétrique ou/et des rénovations dans le domaine psychiatrique ou celui des soins de suite et de réadaptation :

. centre hospitalier intercommunal des Portes de l’Oise à Beaumont-sur-Oise, (CHIPO) (Val d’Oise) (14 millions);

. centre de soins des Tilleroyes, à Besançon (Doubs) (19 millions) ;

. bâtiment femme-enfant-hématologie du centre hospitalier universitaire de Caen (Calvados) (94 millions) ;

. pôle cardio-vasculaire du centre hospitalier René Dubos de Pontoise (Val d’Oise) (16,6 M) ;

. centre hospitalier de Poitiers (Vienne) ;

. centre hospitalier de Rodez (Aveyron) ;

. centre hospitalier de Saint-Menehould (Marne) ;

. établissement public de santé psychiatrique d’Alsace Nord à Brumath (Bas-Rhin) (14,2 M).

Cinq concernent des pôles logistiques :

. centre hospitalier de Carcassonne (Aude) (46 M) ;

. centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand (Puy de Dôme) (45 M) ;

. centre hospitalier de Douai (Nord) (18,2 M) ;

. centre hospitalier de Troyes (Aube) (11,9 M) ;

. hôpital intercommunal du Haut-Limousin à Bellac (Haute-Vienne) (8,5 M).

Quatre permettent la réalisation d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) :

. centre hospitalier d’Arras, EHPAD de Dainville (Pas-de-Calais) (10,8 M) ;

. centre hospitalier de Carcassonne (Aude) ;

. centre hospitalier de Douai (Nord) (29,7 M) ;

. centre hospitalier Alpes Léman à Contamine-sur-Arve (Haute-Savoie).

S’ajoutent des opérations spécifiques :

. institut de soins infirmiers de Brumath (Bas-Rhin) (3 M) ;

. unité de stérilisation du centre hospitalier - universitaire d’Amiens (Somme) (8,9 M) ;

. bâtiment haute qualité environnementale (HQE) de la Pitié-Salpêtrière à l’AP-HP (Paris) (37,9 M) ;

. maison de cure Pierre Brunet au centre hospitalier d’Arras (Pas-de-Calais) (21,9 M).

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