« La cité des infrastructures devient la ville des plates-formes et des services »

Isabelle Baraud-Serfaty, économiste et urbaniste, directrice d'Ibicity, conseil et expertise en économie urbaine

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Isabelle Baraud-Serfaty, économiste et urbaniste, directrice d'Ibicity, conseil et expertise en économie urbaine.

Les décideurs publics s'entendent-ils sur le sens du concept de ville intelligente ?

Le terme de « ville intelligente » fait aujourd'hui consensus chez les élus territoriaux. Il faut cependant évacuer l'idée selon laquelle une ville a le choix d'être intelligente ou pas, et que cette intelligence repose sur un empilement de technologies. Les villes se transforment en permanence pour améliorer la qualité de vie en général ; elles sont saisies par la révolution numérique, qui accélère ce mouvement et ouvre de nouvelles possibilités. Les technologies ne sont pas une fin, simplement un moyen. Elles provoquent plusieurs grandes transformations qui, effectivement, vont façonner une ville intelligente avec un changement de paradigme : on passe d'une cité des infrastructures à une ville des plates-formes et des services.

Quelles sont les transformations attendues par les professionnels ?

La première consiste en une hybridation sectorielle, pour que la ville ne fonctionne plus en silos : l'eau, la mobilité, le logement, etc. Les différentes composantes doivent s'envisager de manière transversale, avec des axes communs comme l'énergie. Car, désormais, tout est potentiellement producteur d'énergie : les eaux usées, le toit des immeubles… Autre transformation, le citoyen devient producteur : d'énergie, mais aussi de données, de places libres dans sa voiture… Le rôle de chacun dans la chaîne de production évolue, cela redistribuera les cartes en termes de financement de projets.

En quoi le financement des projets sera-t-il impacté ?

En partageant votre voiture pour en tirer des revenus, vous devenez un acteur de la mobilité utilisant une infrastructure de transport. La plate-forme qui distribue ce service peut ou doit donc participer au financement de cette infrastructure, voire de l'individu lui-même, selon son usage. Cela est rendu possible par l'individualisation que permet le big data : la personne n'est plus appréhendée en catégorie (tranches d'âge… ), mais directement.

Cela permet des facturations personnalisées de services « à l'usage » ou sous forme d'abonnement, puisque la notion de propriété s'efface. Ce sur-mesure signe par ailleurs le grand retour du local et des circuits courts, avec des mailles multiples : l'habitat, l'îlot, le quartier…

Quel rôle les acteurs du BTP ont-ils à jouer ?

Dans le contexte de la smart city, les collectivités doivent agir moins en tant qu'acteurs que régulateurs.

Les acteurs sont les ensembliers urbains, qui, dans un contexte d'effacement des frontières des métiers, interviennent sur toute la chaîne de valeur, depuis l'immobilier jusqu'à la gestion des déchets.

Les énergéticiens et le BTP, qui disposent d'un réel savoir-faire d'ensemblier, ont une belle carte à jouer, à condition d'agir sous forme de consortiums et d'intégrer une véritable compétence dans la fabrique de la ville. Mais il peut y avoir un match avec les plates-formes numériques telles que Google et Uber qui pourraient endosser le rôle d'ensemblier.

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