La Caisse des dépôts renforce ses capacités d’investissement

L’écologie, la cohésion et la souveraineté structurent la stratégie de la Caisse des dépôts, qui a présenté son bilan annuel le 20 mars. Sur ce dernier volet, la banque d’Etat met l’accent sur la nouvelle déclinaison, dans le secteur de la défense.

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Olivier Sichel
"Sur la transition écologique, on ne lâche rien", déclare Olivier Sichel, directeur général de la Caisse des dépôts.

De tous les chiffres du bilan 2024 de la Caisse des dépôts, le directeur général par intérim Olivier Sichel retient surtout l’augmentation des fonds propres, « marqueur central de notre capacité à investir ». Leur montant atteint 69 Mds€, en progression d’1Md€. Mais plus encore que sur le gain annuel, il insiste sur la tendance à moyen terme, tracée par un taux d’augmentation moyen de 6 % entre 2018 et 2024. « Sur la période, cela représente une augmentation considérable égale à 44 % », insiste le successeur d’Eric Lombard.

Prêts record à la banque des Territoires

Pour la première fois sur le devant de la scène de la présentation du bilan annuel ce 20 mars, Olivier Sichel a tenu à coupler l’exercice avec une mise en perspective du septennat écoulé : une période durant laquelle il a co-piloté la banque d’Etat comme numéro deux, aux côtés de son prédécesseur, devenu ministre de l’Economie en décembre dernier. Ce recul lui permet de prendre le contrepied de l’instabilité politique, pour vanter la capacité de l’établissement public à tenir ses caps dans la durée.

Le message sur les capacités d’investissement trouve sa force dans les chiffres de la Banque des territoires, qui a battu en 2024 un record dans le montant de ses prêts : 28, 5 Mds€ « au service de l’eau, des écoles, du logement », détaille Olivier Sichel, soit un bond de 74 %. Quelques exemples illustrent sa présentation : 150 M€ dans le Nord pour la gigafactory Verkor, « qui contribue à décarboner les transports et à reconquérir notre souveraineté industrielle » ; 66,2 M€ pour rénover « l’incinérateur le plus polluant de France à Toulouse, aux côtés de Suez » ; 1,4 M€ pour accompagner la PME corse Acwa, fabricant de robots détecteurs de fuites d’eau….

Maintien du cap vert

« On ne lâche rien sur la transition écologique ». La déclaration de principe du directeur général se traduit dans l’un des chiffres marquants de l’année 2024 : les prêts accordés par la Banque des territoires au service de cet objectif ont atteint 28 Mds€. « Nous sommes en avance de 8 Mds€ par rapport au plan quinquennal de 100 Mds € engagé l’an dernier, dans la foulée du rapport Pisani Mahfouz », calcule l’ancien patron de la Banque des territoires, successeur d’Eric Lombard à la tête des dépôts.

Pour preuve de la solidité de son engagement écologique, la Caisse des dépôts souligne l’égalité entre les enjeux financiers et extra-financiers.  « Directrice des finances et de la politique durable, Nathalie Tubiana incarne cette double priorité », insiste Olivier Sichel.

400 projets pour l’eau

Témoin du cap tenu, l’eau a conduit la banque d’Etat à investir en 2024 dans 400 projets. « Certains prêts s’adressent à de très grands opérateurs comme le syndicat des eaux d’Ile-de-France à qui nous avons prêté 1 Md€, ou le syndicat d’assainissement de l’agglomération parisienne pour son plan baignade. Mais nous participons aussi à des centaines de projets ruraux, notamment dans l’alimentation en eau potable et la prévention des inondations », détaille Kosta Kastrinidis.

Le profil des maîtres d’ouvrage de l'eau montre la place encore prépondérante des communes : 180 projets, contre 130 pour les établissements publics de coopération intercommunale et 90 pour les syndicats. Pour stimuler cet élan au moment où le parlement remet en cause la compétence intercommunale obligatoire, la caisse des dépôts, initiatrice de la place de marché en ligne Aquagir, enrichira le site avec un outil gratuit. « A partir de mai, Aquarepère agrégera des données dispersées pour que chaque territoire puisse visualiser l’état de ses ressources », annonce Kosta Kastrinidis.

Réindustrialisation et renaturation

Même l’assouplissement légal du ZAN n’entame pas la détermination de la banque à encourager la sobriété foncière, en particulier dans l’industrie. « Plutôt que de se perdre dans un débat théorique sur les interdictions bientôt assorties de mesures dérogatoires, je préfère accompagner des solutions pratiques fondées sur des approches partenariales », argumente Olivier Sichel. Il rappelle les 8000 ha de friches disponibles pour la réindustrialisation sur 650 sites, ainsi que l’important potentiel de densification offert par les zones d’activités, y compris à travers des usines verticales, comme le montre l’extension du fabricant d’implants Zeiss à La Rochelle.

L’accompagnement à long terme des stratégies foncières des collectivités se traduit dans les prêts Gaïa, remboursables dans des périodes qui peuvent aller jusqu’à 80 ans. De tels délais ouvrent une voie aux opérations peu rentables à court terme, notamment dans la renaturation, qui a inspiré 18 projets en 2024. Le site de La Carrière, à Saint-Jean Cap Ferrat (Alpes Maritimes) fait figure de démonstrateur.

Boom de l’habitat intermédiaire

La capacité à prêter sur le long terme n’empêche pas la Caisse des dépôts de jouer sa partition contracyclique sur les enjeux brûlants du logement. Avec des prêts qui ont totalisé 20,9 Mds€ dont 10,5 Mds€ pour le parc social et 4,5 pour l’habitat intermédiaire, la banque d’Etat a accompagné 40 % des 250 000 logements neufs produits en France. « La dynamique se poursuit en 2025, dans le social comme dans l’intermédiaire », précise Kosta Kastrinidis. Favorisé par des cessions d’opérations de promotion privée, ce dernier sous-ensemble bénéficie de 8 Mds€ accordés par Bercy jusqu’en 2026.

Des fonds propres pour la Défense

Outre le logement abordable, le défi de la cohésion trouve une réponse dans la transition numérique des territoires. « Quand je suis arrivé, les territoires ruraux disposaient de 500 000 prises à très haut débit. On en compte 12 millions aujourd’hui. Beaucoup de pays nous envient ce bilan », retrace Ôlivier Sichel, très sensible à ce sujet depuis son début de carrière à France Télécom et à la présidence de Wanadoo.

La grande nouveauté des temps qui viennent concerne l’industrie de la défense. En complément des prêts pour lesquels la fédération bancaire de France lève ses obstacles doctrinaires, la Caisse des dépôts situe sa contribution à l’effort national : « Les investisseurs affrontent un grand problème de manque de fonds propres », relève Olivier Sichel. La banque d’Etat contribuera à combler cette lacune, tout en s’interdisant tout soutien à la production d’armes controversées.

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