Tout opérateur économique peut candidater à un marché public, à moins de se trouver dans l’une des hypothèses d’interdiction de soumissionner envisagées par les ordonnances marchés publics et concessions. Par exemple, sont exclues d’une procédure de passation les personnes soumises à une procédure de liquidation judiciaire, ou qui font l’objet d’une mesure de faillite personnelle. A contrario, la condamnation pour banqueroute (1) ne permet pas d’exclure un candidat, comme l’indique le Conseil d’Etat dans une décision du 31 octobre.
Dans l’affaire en question, une métropole a publié deux avis d’appel public à la concurrence en vue de l’attribution de marchés de maîtrise d’œuvre. A l’issue des procédures, ont été retenues les offres d’un groupement composé de deux sociétés conjointes. Mais, après vérification des capacités de ce groupement, la métropole a décidé de rejeter les deux offres en raison de la condamnation pour banqueroute prononcée à l’encontre du gérant d’une des sociétés et inscrite à son casier judiciaire.
Les deux sociétés ont alors saisi le juge du référé précontractuel en demandant d’une part l’annulation des décisions de rejet de leurs offres, et d’autre part d’enjoindre à la métropole de procéder à la signature du contrat à leur profit dans un délai d’un mois. Finalement, par deux ordonnances, le juge du référé a annulé les deux décisions, et enjoint la métropole, en cas de poursuite de la procédure, de conclure les marchés en litige dans un délai d’un mois. Cette dernière s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.
Pour justifier ses décisions d’exclure le groupement des procédures de passation en raison de la banqueroute du gérant d’une des sociétés, la métropole fait prévaloir l’article 57 de la directive marchés publics 2004/18/CE du 26 février 2014 et notamment le point 4. Ce dernier énumère des cas où les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres d’exclure un opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché. Et parmi ces cas, il y a celui où un pouvoir adjudicateur peut démontrer la faute professionnelle grave qui remet en cause l’intégrité de l’opérateur économique. C’est ce qu’invoque la métropole, qui considère la banqueroute comme une faute professionnelle grave.
Mais pour le Conseil d’Etat, « il ressort clairement des termes de l'article 57 de la directive du 26 février 2014 (…) qu'ils n'imposent pas de façon inconditionnelle d'exclure de la procédure de passation d'un marché public l'opérateur économique ayant commis une faute professionnelle grave ». La métropole « ne peut en tout état de cause se prévaloir de cet article pour demander au juge de le substituer au texte de droit interne », ajoute le Conseil d’Etat.
Par ailleurs, les juges du Palais-Royal confirment le raisonnement des juges de première instance, en constatant que la banqueroute ne fait pas partie de la liste nationale des interdictions (facultatives et obligatoires) de soumissionner. En effet, « ni l'article 45 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, qui définit les interdictions de soumissionner obligatoires et générales, ni l'article 48 de cette ordonnance, qui énumère les interdictions de soumissionner facultatives, ni aucun autre texte ne prévoient que la condamnation pour banqueroute constitue un motif d'exclusion de la procédure de passation des marchés publics ».
Ainsi, la directive de 2014 ne pouvant être invoquée comme base légale dans cette affaire, et la banqueroute ne figurant pas au titre des interdictions obligatoires ou facultatives, la métropole n’est pas fondée à demander l’annulation des ordonnances. Le pourvoi est rejeté.