Jurisprudence

L’urgence peut justifier l’attribution en gré à gré d’une concession provisoire

Le Conseil d'Etat assouplit sa jurisprudence pour permettre au concédant de faire face en urgence à la défaillance de son cocontractant.

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Le Conseil d’Etat permet la conclusion d'une concession provisoire de gré à gré pour l'exploitation d'un terminal portuaire
Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2017/02/14N°405157
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2016/04/04N°396191

Face à un cocontractant défaillant, une personne publique peut conclure une concession provisoire sans publicité ni mise en concurrence pour assurer la continuité du service public. C’est ce qu’a récemment rappelé le Conseil d’Etat dans une affaire concernant une convention d'exploitation du terminal du Verdon conclue en 2014 par le Grand port maritime de Bordeaux (GPMB).

Aux termes de cette convention, l'entreprise titulaire s’était engagée à investir sur le terminal, à construire et entretenir les équipements nécessaires au maintien et au développement de l’activité portuaire ainsi qu’à assurer l’exploitation technique et commerciale du terminal. Cette exploitation devait donner lieu au versement au GPMB d’une redevance en partie indexée sur le trafic réalisé. En contrepartie, la société s’était vue mettre à disposition les terrains et ouvrages nécessaires et reconnaître le droit d’exploiter le terminal, le GPMB s’engageant de son côté à assurer l’entretien des infrastructures.

Malheureusement, l'entreprise a fait face à d’importantes difficultés qui ont contraint le GPMB à décider, en 2016, de mettre en régie le contrat et de confier, sans publicité ni mise en concurrence, son exécution à une autre société. Le Conseil d'Etat a été saisi en cassation de l’ordonnance ayant annulé le contrat provisoire de mise en régie conclu de gré à gré. Après avoir confirmé que la convention d’exploitation d’un terminal ne saurait être assimilée à une simple autorisation d’occupation du domaine public, le CE précise les conditions dans lesquelles une personne publique peut, face à l'urgence, attribuer une concession provisoire sans respecter publicité et mise en concurrence.

Règles générales d’exécution des contrats administratifs

La spécificité des contrats de l’administration et les principes qui en gouvernent l’exécution autorisent la personne publique, faisant face à la défaillance établie de son cocontractant, à faire exécuter son contrat, aux frais et risques de celui-ci, par une autre société.

Ce que confirme le Conseil d’Etat, c’est que le nouveau titulaire n’a donc pas à être choisi après publicité ni mise en concurrence si des circonstances liées à l’urgence et à l’intérêt général le justifient.

Impossibilité de faire face, motif d’intérêt général et caractère provisoire

Selon le juge, la solution « dégradée » d’une convention de gré à gré avec une autre société pour faire face à la défaillance de son titulaire initial ne peut être admise que si :

- la personne publique fait face à l'impossibilité indépendante de sa volonté de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même ;

- il existe un véritable motif d’intérêt général tenant à la continuité du service public ;

- et que la durée de la concession provisoire n'excède pas celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence.

La soudaineté pas exigée

Contrairement à sa jurisprudence antérieure [1], le Conseil d’Etat n’évoque pas, dans cette décision, de condition liée à la soudaineté de l’impossibilité rencontrée par la personne publique à faire assurer le service. Le régime d’utilisation d’un contrat conclu de gré à gré pour couvrir une urgence née de la défaillance d’un cocontractant initial s’en trouve donc assoupli.

Au final, c’est une solution pragmatique que retient le Conseil d’Etat dans cette affaire où tous les éléments de contexte, y compris ceux liés à l'échec de la médiation organisée par le ministre chargé des Transports, fondaient le GPMB à agir vite pour garantir la continuité du service public portuaire.

Conseil d’Etat, 14 février 2017, n°405157

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