L’irrésistible ascension des réseaux express vélo

L’enthousiasme des pionniers fédère les collectivités qui s’en emparent : les réseaux express vélo tracent la voie vers le basculement modal espéré non seulement au cœur des métropoles, mais aussi dans les territoires périurbains et ruraux.

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RER Vélo
Dès 2024, le RER Vélo d'Ile-de-France reliera les 24 sites olympiques.

A tout seigneur tout honneur : avec son RER Vélo, la région capitale occupe le devant de la scène française des réseaux express vélo (Rev), depuis le déclic de la crise sanitaire stimulé par le tissu associatif francilien.

L’Ile-de-France rebondit

Après avoir rebondi sur le projet porté par le collectif Vélo Ile-de-France, la collectivité se prépare à la phase opérationnelle : « Nous espérons identifier rapidement l’opération démonstratrice qui renforcera l’engouement des utilisateurs, face aux réticences des maîtres d’ouvrage locaux », a révélé Jérôme Chiasson, chef de service au pôle mobilité de la région, le 25 février lors du Webinaire de l’association Vélo & Territoires consacré aux Rev.

Accompagné par Egis qui doit rendre en septembre ses études sur le jalonnement vertical, le conseil régional cale le projet dans un agenda serré : jusqu’en 2025, elle a provisionné 300 millions d’euros pour financer 60 %  des aménagements qui correspondent à la phase 1 du schéma à réaliser dans sa totalité en 2030. Dès 2024, les premiers tronçons relieront les 24 sites olympiques et révéleront le saut qualitatif issu de moyens inédits : chaque mètre mobilisera 1000 euros, au lieu d’une moyenne de 550 pour les infrastructures cyclables franciliennes actuelles.

Un standard et des compromis

Le RER Vélo s’éloignera le moins possible des standards des réseaux cyclables à haut niveau de service rappelés par Thomas Jouannot, directeur de projets « Modes actifs » au Centre d’études et expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) : « Des largeurs minimales de 2,50 m et 3,50 m pour les piste mono et bidirectionnelles, une continuité y compris au droit des arrêts de bus, une séparation avec les autres fonctions de la voirie, des rayons de courbure compatibles avec la circulation de vélocargos, et le respect de sept règles d’or pour la traversée des carrefours compatible avec la priorité aux cyclistes… ».

Sans compétence voirie, le coordonnateur du RER Vélo ménage des possibilités de compromis en distinguant les prescriptions impératives et souhaitées. Après exploration des possibles, les dérogations résulteront d’arbitrages qui associeront le maître d’ouvrage, la région, le Cerema et le collectif Vélo Ile-de-France.

Le modèle danois

La gouvernance en cours de mise en place en Ile-de-France illustre une problématique sans frontière, comme le prouve le service « Cycle Super Hihgways » de la région capitale du Danemark. Après la mise en service de 10 de ces autoroutes cyclables en 2021, soit 176 km pour 31 communes, la collectivité régionale a observé une augmentation de 78 % de la pratique cyclable, grâce à une infrastructure qui tient la promesse de son nom : « A part le bruit et les pollutions, les Cycle Super Highways respectent les critères de confort et d’efficacité associés à l’image de l’autoroute », explique Sidrel Birk Hjuler, cheffe de projets.

Dépourvue d’autres moyens financiers que la rémunération de son équipe dédiée, la région capitale danoise mise exclusivement sur sa force de persuasion et sa capacité de coordination entre les maîtres d’ouvrage communaux, avec une détermination intacte : elle met le cap sur une multiplication du linéaire par six, d’ici à 2045.

La référence grenobloise

En France, les premiers retours d’expérience métropolitains viennent de Grenoble : après la mise en service des premiers tronçons en 2016, Chronovélo cumule 23 km, réalisés par petites tranches, au fil d’une stratégie opportuniste guidée par une programmation de 49 km répartis sur 13 communes. L’accessibilité aux plus vulnérables – enfants et personnes âgés – sert de fil conducteur aux réalisations jalonnées par des stations de gonflage avec points de rencontre et cartes du quartier, et dont les  noms mettent en valeur les lieux et les acteurs du territoire.

« Autour d’une moyenne de 700 000 euros, le coût varie de 200 000 à 2 millions par km », note Marine Peter, cheffe de projets de ce réseau baptisé par référence aux Chronobus de la métropole. Au cœur de cette dernière, plusieurs tronçons ont franchi le seuil du million de cyclistes en 2021. Mieux : « Sur le cour Bierrat, la vacance commerciale s’est réduite de moitié, passant de 16 à 8 % », se réjouit la cheffe de projet.

Le relais lyonnais

L’ambition périurbaine se traduit dans la future liaison vers Vizille, soit une dizaine de km à réaliser au sud de Grenoble, sur une ligne parallèle à la Route Napoléon, avec de nombreuses zones d’activités en plein essor à desservir. A plus long terme, le plan local d’urbanisme a réservé les emprises nécessaires au doublement de  Chronovélo.

La balle métropolitaine se trouve désormais dans le camp de la capitale d’Auvergne-Rhône-Alpes : en forme de toile d’araignée, le réseau des Voies lyonnaises se déploiera sur 355 km de nouvelles infrastructures réparties en 13 lignes qui mobiliseront 100 millions d’euros pour desservir 99 % des habitants à moins de 10 mn.

Une forte attente

« Dès ce mandat, le Grand Lyon programme 250 km et 75 % des habitants », précise Fabien Bagnon, vice-président en charge de la voirie et des mobilités actives, encouragé par la phase de consultation qui a suscité 100 réunions avec les 59 communes jusqu’en mai 2021 : « Nous avons enregistré très peu d’oppositions, tout au plus de l’incrédulité. Une communication efficace a créé une forte attente », confirme l’élu.

Pas question pour autant de relâcher l’effort de concertation : « En phrase chantier, il nous faudra étoffer nos équipes de chargés de mission pour dialoguer avec les riverains », prévoit Guillaume Julien-Neveu, au service des Grands projets.

Le moteur breton

A côté des métropoles, le monde rural tient toute sa place, dans l’épopée des Rev, comme le montre l’Ille-et-Vilaine : le réseau express départemental mobilise 70 millions d’euros entre 2021 et 2028. Grâce à France Relance, un premier tronçon entrera en service en 2023, parmi les 24 itinéraires sélectionnés pour un total de 250 km avec un critère constant : le potentiel de report modal amène le département à prioriser les liaisons vers les gares.

« L’étude sur les déplacements des ménages a servi de déclic au projet : en 2017, elle a montré une part modale de 76 % détenue par la voiture, hors agglo », rappelle Schirel Lemonne, conseillère départementale chargée du plan vélo.

Un frein réglementaire à débloquer

Le maître d’ouvrage finance 100 % des tronçons situés en dehors des agglomérations, et assume les entorses à la lutte contre l’artificialisation des sols, compte tenu des bénéfices écologiques de la mobilité douce : le long des routes départementales, le réseau consommera 75 hectares.

Pour amplifier le mouvement des Rev, le Cerema identifie un frein réglementaire à lever dans la signalisation horizontale : « L’assouplissement des règles permettrait de renforcer la fonction d’animation et le séquençage des réseaux cyclables à haut niveau de service », estime Thomas Jouannot. Il y voit une piste à creuser pour le marketing territorial qui conditionne l’adhésion des usagers et l’issue heureuse de la bataille du report modal.

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