La commune d'Issy-les- Moulineaux (Hauts-de-Seine) a, en une vingtaine d'années, renouvelé la moitié de son tissu urbain, et souhaite voir son flanc nord-ouest, au débouché du pont d'Issy, marqué par une entrée symbolique de son dynamisme. La proposition de Loci Anima et IHA prend en compte à peu près toutes les critiques faites aux tours depuis un demi-siècle et y répond par des propositions souvent convaincantes. À l'urbanisme à la hache auquel elles ont trop souvent été associées, le projet veut substituer un dialogue grande hauteur/site pour mieux se faire adopter (relevé, prise en compte, respect des caractéristiques des alentours).
Multiplication des porosités
Pas de gratte-ciel solitaires, mais deux tours de part et d'autre de la rue Rouget de Lisle, accompagnées de la construction d'un quartier bas entier, où se mêlent habitat, commerces, services, ordonnés autour d'un axe nord-sud. Les bâtiments ouvrent à même les rues (en partie piétonnes), multiplient les porosités pour donner l'impression forte d'une libération des sols, d'une connexion sans obstacle avec le tissu urbain environnant, aux antipodes de la rupture de pente créée par la dalle d'antan. Les deux tours relèvent leur jupe et laissent apercevoir leur "taille de guêpe", (la base de leur structure porteuse, jolie allusion à leurs grandes sœurs du Front de Seine tout proche), juste enveloppée sur 25 mètres de hauteur d'une résille de programmes légers, propices à la mixité des fonctions où les vides et les transparences le disputent aux parties construites. Les bureaux ne se développent qu'au-dessus : là encore, l'image du totem, du monolithe solitaire, est battue en brèche.
Morcellement des volumes
Dans le droit fil de la tour Signal de Nouvel à La Défense, mais plus violemment, le fût des tours se morcelle en bâtiments identifiables, découpés et creusés pour laisser passer air et lumière. Pour minimiser la perte du contact au sol, souvent stigmatisée, ces blocs sont séparés par des jardins en plein ciel, référence plus ou moins consciente à ceux de l'antique Babylone. Mis au point avec l'entreprise Elioth, le développement durable est évidemment porté en bannière. Sa panoplie d'éléments, trop large pour être décrite dans son ensemble, passe par quelques incontournables : isolation forte, ventilation naturelle et mécanique contrôlée double flux avec récupération d'énergie sur l'air extrait, disposition ad hoc des vitrages pour favoriser les apports solaires et les minimiser aux demi-saisons et en été, bureaux chauffés et climatisés par poutres froides, etc.
Mutualisation du chaud et du froid
Plus rares et sans doute promis à un bel avenir, la mutualisation du chaud et du froid entre tertiaire et logement, les guides d'usage du bâtiment et les "économètres" placés dans les halls et les couloirs, destinés à faire prendre conscience aux utilisateurs du "métabolisme énergétique" de leur chez eux, bref, une liste très calculée de dispositions destinées à favoriser le bien-être sans agresser l'environnement. Si, en l'état du projet, c'est d'abord la massivité des deux tours qui frappe, cette opération, en prenant la place des bâtiments insipides du quotidien "L'Équipe" et d'Arjowiggins, offre l'occasion de régénérer la ville, de poursuivre le retissage urbain de la conurbation (entre Issy-les-Moulineaux et Paris), d'apprivoiser le gratte-ciel et de le mettre au service des habitants.
Ce feuilleton est réalisé dans le cadre de l'exposition "L'invention de la tour européenne" (voir le portfolio), créée par le Pavillon de l'Arsenal.
Commissaire scientifique : Ingrid Taillandier, architecte et enseignante, Olivier Namias, architecte et journaliste avec Jean-François Pousse, journaliste / Scénographe : Manuelle Gautrand Architecture
Exposition du 14 mai au 4 octobre 2009 au Pavillon de l'Arsenal, entrée libre.
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