L’eau et l’assainissement cristallisent la crainte d’un « détricotage malheureux », exprimée le 15 décembre par Intercommunalités de France (AdCF) : « Après trois lois en cinq ans, le Sénat remet à nouveau en cause le transfert obligatoire de ces compétences », tempête Sébastien Miossec, président délégué.
L’eau, un combat d’arrière-garde
L’hypothèse d’un retour en arrière lui paraît d’autant plus absurde que le bloc local a déjà parcouru la plus grande partie du chemin : plus de 50 % des intercommunalités et 80 % des habitants connaissent la compétence intercommunale en eau et assainissement. « Rechanger la règle déstabiliserait les communautés qui achèvent ce processus », juge le président délégué.
Le fossé entre les enjeux et les échelles se creuse, comme en témoigne la taille des microstructures qui résistent : plus de 50 % des 1991 syndicats d’eau potables qui n’ont pas franchi le pas de l’intégration dans un établissement à fiscalité propre desservent moins de 4200 habitants. Les 775 syndicats d’assainissement qui échappent encore aux communautés présentent un profil similaire : 50 % d’entre eux s’adressent à moins de 6000 habitants.
Les silos résistent
La consolidation de la culture intercommunale passe par une seconde bataille en cours : l’AdCF dresse un bilan « mi-figue, mi-raisin » des Contrats de relance et de transition écologique (CRTE) déjà signés ou en instance. « Les silos résistent, les appels à projets et à manifestation d’intérêt continuent. Plus on le dit, plus il y en a », s’insurge Virginie Carolo-Lutrot, présidente déléguée.
Alors que l’association a beaucoup misé sur le regard transversal sur les territoires porté par le tandem que constituent le préfet de département et le président d’intercommunalité, co-signataires des CRTE, la déception se focalise sur le risque de rater le coche des financements européens : « Seul un changement de culture fondé sur le dialogue peut donner aux territoires les moyens de rédiger leurs projets en mobilisant tous les financements », insiste la présidente déléguée.
Espoir industriel
Les alertes lancées le 15 décembre par l’AdCF interviennent dans une conjoncture favorable, marquée par la forte progression des investissements intercommunaux constatée au premier semestre 2021. Mais cette embellie n’empêche pas les inquiétudes : « il faut que l’Etat cesse de nous considérer comme la variable d’ajustement », prévient le président Sébastien Martin, soucieux de profiter des dynamiques de croissance de la TVA et des valeurs locatives. « Nous pouvons participer à la relance, si les engagements sont tenus sans coups de rabot », ajoute-t-il.
Premier volet du manifeste de l’association en vue de l’élection présidentielle, l’accompagnement de la réindustrialisation des territoires prend valeur de test à ses yeux : « L’intercommunalité peut jouer un rôle de relai et d’amplificateur », estime-t-il. Pour coller aux besoins des industriels, la réussite passe selon lui par des investissements dans l’enseignement supérieur.
Habitat : une avancée encore symbolique
Les espoirs intercommunaux s’expriment également dans le domaine de l’habitat, avec la reconnaissance du statut d’autorité organisatrice, même si Sébastien Martin assortit sa satisfaction d’un bémol : « Je regrette qu’on n’aille pas jusqu’au bout, avec une délégation à 100 % des crédits de Ma Prime Rénov… Mais il faut savoir avancer pas à pas ».
Sur ce long chemin, l’AdCF salue avec un réel enthousiasme le nouveau statut que la loi 3DS devrait offrir au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) : Sébastien Martin voit dans l’actionnariat des collectivités « un vrai moyen d’accompagner les transformations nécessaires d’une expertise que nous connaissons déjà bien lorsqu’il s’agit de construire un pont, et qui peut répondre à de nombreux autres besoins d’ingénierie ».