L’indemnisation des frais financiers inhérents à l’annulation ou à la résiliation d’un contrat de concession

Le Conseil d’Etat rappelle, dans une décision du 9 mars, que les frais financiers engagés par le titulaire d'un contrat de concession frappé d'une annulation, d'une résolution ou d'une résiliation peuvent être indemnisés au titre des "dépenses utiles". Et clarifie au passage les modalités d'application dans le temps des dispositions en la matière de l'ordonnance concessions.

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Le Conseil d'Etat précise les conditions d'indemnisation des frais financiers

Le contentieux de l'indemnisation des titulaires de contrats annulés ou résiliés ne tarit pas. Dans l’affaire tranchée le 9 mars dernier, une commune avait conclu un contrat de concession, avec un groupement momentané d’entreprises, pour la conception, la construction, la maintenance et l'exploitation d'un stade. Sur déféré du préfet, la délibération du conseil municipal autorisant la signature du contrat ainsi que le contrat ont été annulés par le juge en 2006. Plusieurs années après, le recours indemnitaire de la société de projet, à qui le contrat avait été transféré, arrive devant le Conseil d'Etat.

Dans sa décision, la Haute juridiction rappelle au préalable qu’en cas d’annulation du contrat par le juge, le cocontractant peut engager la responsabilité quasi-contractuelle de l’administration ; et prétendre, à ce titre, au remboursement des dépenses qui ont été utiles à cette dernière. Par ailleurs, en cas de faute de l’administration, le cocontractant peut solliciter le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été privé du fait de son annulation.

Les développements de l'arrêt du Conseil d'Etat consacrés à la responsabilité quasi-contractuelle de l’administration sont particulièrement intéressants... Notamment, parce qu'ils permettent de clarifier une question d'application dans le temps de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession.

Le régime juridique issu de l'ordonnance concessions

Le Conseil d'Etat souligne en effet que désormais, l’article 56, I de l’ordonnance concessions précise le régime juridique applicable à l’indemnisation des frais financiers. Cet article dispose qu’ « en cas d'annulation, de résolution ou de résiliation du contrat de concession par le juge, faisant suite au recours d'un tiers, le concessionnaire peut prétendre à l'indemnisation des dépenses qu'il a engagées conformément au contrat dès lors qu'elles ont été utiles à l'autorité concédante, parmi lesquelles figurent, s'il y a lieu, les frais liés au financement mis en place dans le cadre de l'exécution du contrat y compris, le cas échéant, les coûts pour le concessionnaire afférents aux instruments de financement et résultant de la fin anticipée du contrat ».

Toutefois, en l'espèce, cette disposition n'était pas applicable. En effet, le Conseil d’Etat rappelle que selon l'article 78 de l'ordonnance, le I de l'article 56 s'applique "aux décisions juridictionnelles rendues à compter de l'entrée en vigueur desdites dispositions". Le juge dissipe le flou qui entourait l'interprétation de cette phrase : il énonce que l'article 56, I ne s'applique que lorsque l’annulation, la résolution ou la résiliation d’un contrat résulte d’une décision juridictionnelle intervenue à compter du lendemain du jour de la publication de ladite ordonnance, soit le 31 janvier 2016.

Dépenses utiles

C'est donc selon le régime antérieur à la réforme de la commande publique que l'affaire devait être tranchée. La Haute juridiction procède à un bref rappel de sa jurisprudence quant à l’indemnisation des frais financiers en matière de délégation de service public.

Elle réaffirme ainsi que le cocontractant de l’administration peut demander à être indemnisé au titre des dépenses utiles, notamment "des dépenses d'investissement qu'il a effectuées relatives aux biens nécessaires ou indispensables à l'exploitation du service, à leur valeur non amortie évaluée à la date à laquelle ces biens font retour à la personne publique, ainsi que du déficit d'exploitation qu'il a éventuellement supporté sur la période et du coût de financement de ce déficit, pour autant toutefois qu'il soit établi, au besoin après expertise, que ce déficit était effectivement nécessaire, dans le cadre d'une gestion normale, à la bonne exécution du service public" ( voir déjà en ce sens : CE, 16 novembre 2005, n° 262360). Le Conseil d'Etat rappelle par ailleurs que le coût de financement du déficit doit être « équivalent à celui qu’aurait supporté ou fait supporter aux usagers le délégant » (CE, 7 décembre 2012, n° 351752).

Pour la Haute juridiction, pas de doute : les juges d'appel, qui ont rejeté les conclusions de la société de projet tendant à l'indemnisation de ses frais financiers en considérant que ceux-ci "ne pouvaient, par principe, être regardés comme des dépenses utiles", "sans rechercher si ces dépenses correspondaient au coût de financement d'un déficit d'exploitation répondant aux conditions" précitées, ont commis une erreur de droit. L'arrêt d'appel est donc censuré sur ce point.

CE, 9 mars 2018, n°406669

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