L'IA dans les villes : bien choisir ses cas d'usage

Le think tank Urban AI a analysé les usages de l'intelligence artificielle dans le périmètre des villes. Si l'IA peut être utile pour anticiper des catastrophes ou préserver la biodiversité, l'utilisation des données des citoyens se solde par des échecs. 

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L'IA peut servir à visualiser les conséquences du changement climatique en ville.

Quels sont les usages de l’intelligence artificielle dans nos villes ? Cette question, Hubert Beroche, ingénieur diplômé de l’X, se l’est posée avant la plupart des professionnels du BTP. Dès 2019, il a entamé un tour du monde l’IA dans les villes. Un voyage de six mois qui l’a amené à explorer douze villes (Paris, Montréal, Boston, New York, San Francisco, Séoul, Tokyo, Singapour, Dubaï, Amsterdam, Londres et Copenhague) et à rencontrer 130 expertes et experts du domaine, qu’ils soient architectes, urbanistes, entrepreneurs, philosophes, ingénieurs, consultants, cadres dirigeants… Le résultat de ses travaux est disponible en ligne via le think tank, Urban AI et son cabinet de conseil du même nom.

Identifier les cas d'usages de l'IA en ville

Première étape : définir ce qu’est l’IA et identifier des cas d’usage. Et les exemples foisonnent. Au Japon tout d’abord, l’analyse des données des réseaux sociaux permet de transformer chaque citoyen en un capteur. « Les images peuvent être géolocalisées et analysées pour identifier la trajectoire d’un typhon ou l’onde d’un séisme », détaille Hubert Beroche. A Montréal, Yoshua Bengio, l’un des pères du deep learning utilise l’IA pour rendre visible les effets du changement climatique en ville. « L’IA générative permet de retranscrire en image les modélisations des scientifiques, ce qui est déjà utilisé par certains architectes dans leurs projets », souligne Hubert Beroche. A Londres, Alison Faibrass, chercheuse en biodiversité urbaine utilise les données pour mesurer les impacts de la vie citadine sur les chiroptères.

L'imaginaire techno-solutionniste a fait long feu sur la Smart City

Mais si certains exemples prouvent l’intérêt de ces technologies pour la ville, l’ingénieur a aussi constaté leur faillite, avec l’exemple emblématique du Sidewalk lab de Google à Toronto. « L’imaginaire techno-solutionniste a fait long feu ici et nous ne pouvons que constater le décalage entre le marketing autour de la notion de smart city et la réalité du terrain où cette « intelligence » n’est pas perceptible. L’échec a été retentissant car les citoyens ont rejeté massivement le projet au motif de la grande opacité sur l’usage ultérieur de leurs données », précise Hubert Beroche.

Dans la même veine, Songdo en Corée du Sud, qui promettait d’être la ville la plus intelligente du pays (the smartest city) n’a pas rencontré le succès attendu car personne ne voulait s’y installer.

S'adapter à la matérialité des villes

Pour expliquer ces échecs, l’ingénieur prend de la hauteur et rappelle que l’intelligence artificielle reste avant tout une industrie d’acteurs digitaux, comme Meta, Google ou Open AI qui créent des IA pour des mondes numériques « or la ville se caractérise par sa matérialité ». Donc une erreur dans les algorithmes ou dans les données se traduit par des conséquences physiques, avec, dans les cas les plus graves, des blessés et des morts, du fait des véhicules autonomes ou, plus simplement, des citoyens rivés à leurs smartphones dans la rue et qui perdent la conscience de leur environnement immédiat. En Corée du Sud, ils sont devenus les « Smombies », contraction de zombies et de smartphone.

La ville, un médium plus puissant que les écrans

Autre point de vigilance très important, les IA génératives ne sont jamais neutres et les technologies sont des instruments de pouvoir. « Open AI favorise certains langages, certains mots et certaines langues, ce qui n’est jamais anodin », souligne Hubert Beroche. Pour explorer davantage ce sujet, l’expert a organisé une conférence sur la ville sans écran (Screenless city) à la Sorbonne à Paris, au cours de laquelle il a insisté sur le fait que « la ville représente un medium bien plus puissant que les écrans ». Refaire société ensemble devra passer par d’autres usages de l’IA.

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