Personne n'attendait la crise financière et économique mondiale, même si dès la fin de l'année 2007, la perspective d'un ralentissement du marché de l'immobilier de logement, notamment en Europe, avait été évoquée par les experts qui s'accordaient sur le danger de la flambée des prix et, par voie de conséquence, de la « désolvabilisation » des acquéreurs. Finalement la multiplication des défaillances des souscripteurs de prêts hypothécaires subprime aux USA a été le catalyseur, provoquant une crise de liquidité sans précédent sur l'ensemble des marchés financiers et une récession économique générale. Dans le contexte d'économie mondialisée, la crise immobilière américaine s'est très vite propagée aux banques et a bien failli entraîner l'implosion du système financier. « Dans le monde entier, la plupart des établissements de crédit, à la recherche de placements à haut rendement, avaient indirectement prêté de l'argent aux emprunteurs américains », commente l'Anil (Agence nationale pour l'information sur le logement), dans une étude parue en mars 2009, « dès lors que les mauvaises créances n'étaient pas identifiables au sein des paquets de titres hypothécaires, la suspicion devait s'étendre à l'ensemble des banques et le système financier mondial s'en est trouvé bousculé ». La crise financière n'a donc fait que révéler certains dysfonctionnements du marché immobilier et précipiter un retournement qui se serait, de toute façon, produit dans un avenir proche.
Le dérèglement du marché des subprime américains a affecté les 27 marchés immobiliers de l'Europe avec des corollaires identiques : effondrement du nombre des transactions et tassement des constructions de logements, chute des prix et conditions de crédit rendues plus strictes. En Europe, la baisse des prix s'est établie à - 1,6 % en moyenne, masquant des disparités importantes entre les pays dont certains accusent un repli plus conséquent. C'est le cas par exemple du Royaume-Uni (- 16 %), de l'Estonie (- 23 %) ou de l'Irlande (- 9 %). En France, la baisse s'établit à - 10 %.
Des effets à intensités variables
L'intensité de la dégradation des marchés comme les répercussions de la dépression sur les accédants diffèrent selon les pays en raison de conditions économiques, réglementaires et sociologiques différentes dans chaque pays. Aucun des phénomènes de crise constatés au Royaume-Uni ou en Espagne, défaillances des emprunteurs ou saisie de leurs biens, n'a été relevé en Allemagne, aux Pays-Bas et en France où la crise immobilière n'a pas eu pour effet de déstabiliser les accédants.
L'impact en termes de croissance et de chômage, est particulièrement sévère au Royaume-Uni, dont l'économie était dopée par les services financiers et le secteur immobilier, et en Espagne où le BTP avait dynamisé l'économie ces dernières années. L'environnement légal et fiscal de chaque pays, les relations juridiques entre propriétaire et locataire et l'existence ou non d'un statut protecteur pour ce dernier expliquent aussi en partie cette graduation des conséquences. Enfin, les caractéristiques mêmes des marchés intérieurs du logement et le fonctionnement de la filière de crédit, parfois même les réalités sociologiques des pays membres, éclairent la plus ou moins grande résistance aux turbulences. Exemples : les accédants des pays méditerranéens en difficulté seront davantage soutenus en raison d'une entraide familiale forte ; en France, la méfiance culturelle envers le crédit et l'absence de développement du crédit hypothécaire rechargeable auront évité aux accédants la montée de leur insolvabilité ; le recours aux prêts en devises dans les pays d'Europe centrale (hors zone euro) accentue la fragilité des marchés.
Le patchwork des filières de crédit
Les conditions des crédits accordés déterminent la plus ou moins grande résistivité des accédants à la crise. Les taux d'intérêt variables par exemple, auront un effet différent selon que le marché est sous tension ou non, selon le pourcentage d'accédants à la propriété et le taux global d'endettement. La sinistralité, en termes de retard de paiement et de saisies immobilières, est d'autant plus élevée que les accédants sont plus nombreux et le ratio de la dette hypothécaire rapportée au PIB élevé. Ainsi, l'Allemagne, où la demande de logement est globalement satisfaite et le taux de propriétaires un des plus bas d'Europe, n'a pas connu une situation gravement dégradée de son marché du logement. En revanche, l'Espagne et le Royaume-Uni ont subi une explosion des impayés et des saisies immobilières.
La situation particulière de ces deux pays est à rapporter à l'organisation de leur filière de crédit, à l'encadrement légal et aux pratiques bancaires de l'offre de crédit au logement. Partagée entre plusieurs intervenants, le vendeur du crédit, celui qui le gère, l'investisseur, la filière du crédit est moins sécurisée en termes de prise de risques et les accédants sont d'autant plus fragilisés par le phénomène de crise. Le processus d'instruction des demandes de crédit, une organisation intégrée ou externalisée des professionnels intervenant dans un crédit, la qualité de la banque prêteuse, généralistes ou universelles, et enfin le taux d'intermédiation (plus de 80 % des dossiers au Royaume-Uni) sont des facteurs déterminant la capacité de résistance à la crise. L'extraction hypothécaire qui conduit à repousser l'amortissement des emprunts (habituellement pratiquée au Royaume-Uni et, depuis 2008, en Espagne), les caractéristiques des prêts (majorité de taux fixes en France et aux Pays-Bas contre majorité de taux variables en Espagne), l'existence ou non d'un taux d'usure (existant en Allemagne et en France) et l'assiette des garanties de l'emprunt (sur l'ensemble des biens en Allemagne, Espagne et France) sont autant d'éléments qui ont freiné ou facilité l'accès au crédit des catégories de personnes et de ménages à risques ou non et ont amplifié ou non les conséquences du marasme financier et économique.
Un avenir hypothéqué
Le RICS (Royal Institute of Chartered Surveyors), une des plus importantes associations internationales de professionnels des métiers de l'immobilier (140 000 membres répartis dans 146 pays), pronostique que la chute des prix et de l'activité sur les marchés résidentiels se poursuivra encore en 2009. Il est fort probable que le marché ne se redresse qu'à l'horizon 2010. En cas de reprise, elle sera modeste en raison de l'importance cruciale du financement à long terme pour la santé du marché du logement. « Le système financier a été malmené à cause du financement hypothécaire et les risques encourus par les investisseurs et prêteurs qui possèdent des créances hypothécaires augmentent à mesure que les prix du logement baissent. Avec des crédits de longue durée (25/30 ans) dont les premières mensualités sont à taux d'appel et dont les suivantes progressent de façon très importante dès la 3e ou 4e annuité, les accédants rencontrent aussi des difficultés liées à la croissance du montant des mensualités de leurs prêts à taux variable. Dans les pays encore relativement épargnés, les difficultés interviendront sans doute plus tard en raison de la crise économique. La montée prévisible du chômage pourrait à l'avenir placer les accédants, aujourd'hui à l'abri, dans l'impossibilité de rembourser leurs emprunts. Les gouvernements anticipent et mettent en place ou envisagent des dispositifs pour leur venir en aide et lisser les conséquences de la crise.
Au vu des effets de réaction entre les marchés résidentiels et les systèmes financiers, restaurer la confiance en matière de financement immobilier va prendre du temps », note le RICS. De fait, la reprise dépend maintenant de l'aptitude des gouvernements européens non seulement à relancer le crédit hypothécaire et à aider les accédants à faire face à leurs charges mais aussi à juguler la récession économique qui s'est installée dans la plupart des pays.