La dernière version du projet de loi de souveraineté énergétique fait l’effet d’une douche froide, pour les experts de l’association Negawatt.
Retour du tout nucléaire
« La promesse de l’abondance d’une électricité décarbonée, avec le nucléaire au centre, s’est substituée aux scénarii prospectifs de l’Ademe et de RTE », diagnostique Yves Marignac, expert énergie de l'association investie dans la transition énergétique. Désormais, la stratégie française se résumerait aux orientations annoncées en février 2022 par le président de la République avant sa réélection, dans son discours de Belfort.
Negawatt rappelle à grand trait la hiérarchie des priorités qui résulte des travaux menés en 2022 par Réseau de transport d’électricité (RTE) et l’Agence de la transition écologique (Ademe) pour le compte de l’Etat : d’abord la maîtrise de la demande, puis l’augmentation de la production d’énergies renouvelables, ensuite la substitution des usages notamment par le recours à la biomasse, et enfin l’option nucléaire. Ce scénario de référence supposait 10 Mds€ d’investissements annuels jusqu’en 2050.
Interdire les corrosions par la loi
« A l’opposé de cette vision, la priorité au nucléaire affaiblit et retarde l’action climatique », poursuit Yves Marignac. En rehaussant l’ objectif de disponibilité du parc actuel à 75 % en 2030 au lieu de 66 % aujourd’hui, le projet de loi interdit de nouveaux épisodes de corrosion sous contrainte. « Je doute qu’une loi puisse produire un tel résultat », ironise l'expert.
Selon l’association , la prolongation à 80 ans des installations actuelles, en cours d’étude dans les services de l’Etat, ferait basculer la France de la doctrine déterministe à la doctrine probabiliste en vigueur aux Etats-Unis : l’hypothèse d’accidents sortirait alors des postulats qui président jusqu’ici à la politique nationale de sûreté nucléaire.
Des coûts sous-estimés
A 5500 € du kW et même à 8000, hypothèse retenu dans les stress test de RTE, les prix attachés au pari nucléaire du gouvernement ne trouvent pas plus grâce aux yeux des experts de Negawattt : « Les derniers chiffres situent le kw à 16500 €, dans les deux EPR de Hinckley Point C », affirme Yves Marignac.
Présidente de l’association, Hélène Gassin recadre l’objet du projet de loi de « souveraineté énergétique », expurgé du titre I de sa première version : « On sort de la planification, pour se contenter de fixer les règles qui régissent les relations entre EDF et son actionnaire, dans le prolongement de la loi d’accélération de la production nucléaire. Est-ce l’objet d’une loi » ?
Impasse sur les rénovations
L’abandon de la trajectoire des bâtiments vers le standard Basse consommation (BBC) plonge les prospectivistes de Negawatt dans la stupéfaction. Pour l'association, cet oubli, s’il se confirmait, placerait la France dans sa situation de 2007, avant les lois Grenelle. Elle sortirait le pays du cadre de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments.
L’absence de continuité dans la mesure des émissions renforce la perplexité : les objectifs s’expriment désormais TWh Cumulés actualisés (Cumac). « Etrangement, cet emprunt à la comptabilité des certificats d’économie d’énergie déporte la responsabilité de la sobriété sur les fournisseurs », souligne Hélène Gassin.
Le report à une date inconnue d’une loi de programmation énergétique annoncée pour juin 2023 ne rassure pas d’avantage les experts indépendants. Dans ce calendrier flottant, l’absence d’harmonisation entre la politique énergétique et la stratégie nationale bas carbone entretient leur doute, malgré l’annonce par le président Macron d’un « rendez-vous énergie » en juin.
Cohérence mise à mal
La question de la cohérence se pose aussi par rapport aux engagements européens de la France. « Dans ses choix hasardeux, la France donne au carbone et à la réindustrialisation du pays le rôle de variable d’ajustement, pour faire passer son objectif central », décrypte Yves Marignac. En résumé, Negawatt stigmatise « une ambition hors sol », « une équation électrique qui ne boucle pas » et « un pari sur les leviers les moins favorables à la transition énergétique ».
Negawatt avait pourtant vu d’un bon œil la naissance, en 2022, du Secrétariat général à la planification écologique, et son rattachement à Matignon. La logique verticale inhérente au socle nucléaire de sa stratégie énergétique vient percuter les efforts de mobilisation territoriale, selon l’association.
L’autre voie vers la territorialisation
Au contraire, l’organisme prévoit en 2024 de s’emparer à bras le corps de se qu'il identifie comme de bons exemples engagés dans les territoires. L’étude des conditions de la massification des retours d’expériences positives vient en bonne place dans son programme de l’année. « Ces travaux porteront sur les aspects techniques, économiques, organisationnels et juridiques », annonce Stéphane Chatelin, directeur de Negawatt.
La planification ascendante inspirera également la contribution de l'association à l’élaboration du scénario Clever, pour conduire l’Union européenne vers la sobriété, d’ici à 2040.
Toujours plus de raccordement d'installations photovoltaïques
Le volume de raccordement au 4ème trimestre 2023 s’établit à 921 MW1 (contre 776 MW au 3e trimestre) d'après les données de la 49ème édition de l’Observatoire de l’énergie solaire photovoltaïque du think tank France Territoire Solaire Cette. En 2023, plus de 3 GW ont été raccordés.
Segment par segment on note, entre le 3e et le 4e trimestre de l'année écoulée, une baisse de l'autoconsommation (totale ou partielle) qui reste cependant à un niveau très haut avec plus de 53 000 installations raccordées ; une baisse des installations domestiques (<9 kW), avec 187 MW raccordés ; une légère hausse du segment des moyennes toitures (9 à 100 kW), avec 109 MW raccordés ; une forte hausse du segment des grandes toitures (100 à 250 kW), avec un volume raccordé de 242 MW - "un record absolu", note France Territoire Solaire. Si le segment des très grandes toitures (250 kW à 1 MW), avec un volume raccordé de 14 MW, reste stable, le segment des grandes installations (1 MW et +) est en forte hausse avec 338 MW raccordés.
La part d’électricité photovoltaïque dans la consommation brute d’électricité en France était de 2,77% au 4ème trimestre 2023.