Pourquoi l’eau divise toujours les élus locaux

En sortant l’eau et l’assainissement des compétences intercommunales obligatoires, le parlement n’a pas mis fin aux discordes entre élus locaux. Après la délibération définitive du Sénat le 1er avril, les positions d’Intercommunalités de France et de l’Association nationale des élus de montagne en témoignent.

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Eau
Clear Water drop with circular waves

« Une victoire des montagnards, attendue depuis plus de 10 ans » : président de l’Association nationale des élus de montagne (Anem), Jean-Pierre Vigier triomphe. « Le vote définitif du Sénat, le 1er avril dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale, laisse aux élus la responsabilité de l’organisation et du maillage des services d’eau et d’assainissement », exulte le député Les Républicains de Haute-Loire.

Droit à la différenciation

Jean-Pierre Vigier n’a pas de mots assez durs contre « la loi parisienne qui enlevait cette liberté locale ». Il inscrit l’arbitrage final dans l’esprit du droit à la différenciation, affirmé en 2022 par la loi 3DS, mais mal transcrit dans le domaine de l’eau aux yeux de l’association.

« Ce texte avait autorisé les intercommunalités à déléguer les compétences eau et assainissement aux syndicats existants. Mais cette disposition peu lisible et complexe nous a poussés à continuer le combat pour maintenir le choix entre trois options : la compétence intercommunale, syndicale ou communale », embraye Dorothée Collet, directrice des relations institutionnelles de l’Anem.

Coup de jeune pour les syndicats

La proposition de loi approuvée le 1er avril facilite la mise en œuvre de la seconde des trois hypothèses : la délégation peut bénéficier aux syndicats créés après le 1er janvier 2019, alors que la loi Engagement et proximité avait fermé cette porte. Une convention renouvelable avec la commune délégante encadre cette organisation, avec une limite : l’intercommunalité garde la main sur la tarification.

La vigilance des élus de montagne continuera à s’exercer sur l’application de la loi en instance de promulgation, pour permettre aux communes de revenir sur les transferts de compétence en instance après le 1er avril. Autre point en suspension : le lobbying de l’Anem s’exercera sur les agences de l’eau qui conditionnent leurs aides à la mutualisation intercommunale.

Mur infranchissable

Tout en accusant le choc, l’association Intercommunalités de France ne lâche pas l’affaire : « Les investissements nécessaires à l’eau et à l’assainissement ne peuvent se faire qu’à l’échelle d’un bassin de vie. Quoi qu’il arrive et malgré la loi, je pense que les élus locaux en prendront conscience », veut croire Régis Banquet, vice-président délégué au grand cycle de l’eau et président socialiste de Carcassonne Agglo.

L’association d’élus rappelle l’estimation issue de l’étude qu’elle a cosignée voici un an avec la Fédération nationale des autorités concédantes et des régies (FNCCR) et la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) : pour rattraper le retard pris dans l’entretien des réseaux d’eau potable, la facture s’élèverait à 15 Mds€ sur cinq ans. L’étude cible plus de 200 communes dites « fuyardes » : elles laissent se perdre plus de la moitié des quantités qu’elles transportent dans leurs réseaux d’eau potable.

Le défi de la qualité

A l’ardoise du passé, Régis Banquet ajoute les deux défis de l’avenir : la sécurisation de l’approvisionnement, face à la raréfaction de la ressource, et l’amélioration de la qualité, face aux polluants éternels et aux pesticides. Ces investissements qualitatifs concernent l’eau potable, mais aussi les rejets des stations d’épuration. « Heureusement, les grandes entreprises françaises de l’eau détiennent les réponses techniques. Mais comment une commune de quelques centaines d’habitants pourrait-elle faire face aux coûts » ?

L’expérience de Carcassonne Agglo conforte son président : « Quand nous avons pris la compétence, en 2013, certains maires, vent debout, criaient à la spoliation. Aujourd’hui, ils sont devenus les plus farouches défenseurs de la mutualisation ». Parmi les chantiers d’extension de réseau réalisés sous la maîtrise d’ouvrage intercommunale, Régis Banquet cite une commune de 35 habitants. « Sans l’intercommunalité, elle n’aurait plus d’eau. Autrement dit, plus aucune perspective ».

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