Conception -

L'agence Chartier-Dalix bâtit des édifices comme des écosystèmes où la faune et la flore prospèrent.

 

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Avec sa toiture et ses façades végétalisées, cette école boulonnaise fait découvrir aux enfants la biodiversité grandeur nature.

Depuis une dizaine d'années, l'agence cofondée par Frédéric Chartier et Pascale Dalix défriche, laboure et cultive un champ de l'architecture où minéral, végétal et animal coexistent. Elle est épaulée par des paysagistes, des botanistes et des écologues et soutenue par des collectivités locales. Le fruit de leur travail a été recueilli dans un ouvrage de 450 pages intitulé « Accueillir le vivant : l'architecture comme écosystème », paru en 2019 (éd. Park Books). Libre à tout un chacun d'y puiser l'inspiration car, comme le souligne Pascale Dalix, « dans un jardin, il y a toujours à faire pour celui qui vient le lendemain, c'est la même chose en architecture ».

L'idée qu'un édifice puisse offrir l'hospitalité à la faune et à la flore en zone urbaine a germé en 2010, à l'occasion du concours de maîtrise d'œuvre pour l'école primaire des sciences et de la biodiversité à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). L'équipe menée par Chartier-Dalix répond alors au programme en concevant un bâtiment où la nature peut prendre racine à la fois en toiture et en façade. Depuis sa livraison en 2014, des dizaines d'espèces végétales s'y sont implantées spontanément. Et pour les enseignants et leurs élèves, cela constitue un formidable terrain d'apprentissage des sciences naturelles.

Pas de crainte de l'usure du temps. « En ville, dès le premier mètre carré planté, que ce soit en cœur d'îlot, sur un toit ou dans un espace partagé, le végétal a le pouvoir de créer un lien entre les habitants, constatent Pascale Dalix et Frédéric Chartier. Ils s'approprient ainsi les lieux et les entretiennent mieux. » Les deux architectes ne craignent pourtant pas l'usure du temps. « Certains voudraient qu'un bâtiment demeure identique à la perspective du projet pendant cinq, dix, quinze ans, indique Frédéric Chartier. Or quand on travaille avec le vivant comme à Boulogne-Billancourt, on peut s'attendre à ce que la façade en béton soit progressivement colonisée par la végétation et que les blocs de parement où ruisselle l'eau s'effritent à cause du gel. » Selon Pascale Dalix, « il ne faut pas penser un édifice comme une chose immuable, mais accepter avec humilité qu'il puisse vieillir et avoir une autre vie après nous ».

« La ville ne doit plus être uniquement celle des humains. », Frédéric Chartier, architecte

Depuis ce projet, l'agence parisienne s'est lancée dans l'expérimentation de parois dites « biodiversitaires ». « Nous cherchons un système constructif capable de porter, isoler et accueillir la biodiversité », explique Frédéric Chartier. Après une première collaboration avec l'entreprise Cemex sur le béton, des tests sont en cours avec la société Byn sur la brique. « La ville ne doit plus être uniquement celle des humains, il faut sortir de cette vision anthropocentrée, affirme le maître d'œuvre. Avec son Modulor, Le Corbusier avait dimensionné l'architecture moderne à l’échelle humaine. Il en existe d’autres – celles des oiseaux et des insectes – qui pourraient donner naissance à une nouvelle grammaire architecturale, différente de la simple cabane en bois. »

Dans ce projet de pôle logistique vitriot, toute l’enveloppe du bâtiment sera utilisée comme support d’agriculture urbaine.
Dans ce projet de pôle logistique vitriot, toute l’enveloppe du bâtiment sera utilisée comme support d’agriculture urbaine. Dans ce projet de pôle logistique vitriot, toute l’enveloppe du bâtiment sera utilisée comme support d’agriculture urbaine.

L’agence Chartier-Dalix intègre désormais le vivant dans divers programmes : écoles, logements, bureaux et gares. Elle s’apprête à démarrer à Vitry-sur-Seine, dans le Val-de- Marne, le chantier d’un pôle logistique de 40 000 m² pour Sogaris (voir ci-contre). Le parti pris : rendre fertile ce volume stérile. Pour cela, une exploitation de 1 ha d’agriculture urbaine sera installée sur le toit, et une bande de 2 à 4 m de pleine terre longera toute la façade. « La végétation n’est pas un élément isolé, remarque Frédéric Chartier. Elle fait partie d’un système vertueux qui a du sens, puisque ce lieu de production sera aussi celui de distribution. »

D’autres projets développent ce concept de bâtiment-ressource alimentaire, comme celui qui devrait voir éclore la première culture de thé à Paris, dans le XVIIe arrondissement, sur un immeuble de logements. La charge de terre pèsera forcément sur la structure, donc sur le budget. Mais pour Frédéric Chartier, « une structure surdimensionnée permet de surélever un bâtiment. Aujourd’hui, c’est une toiture végétalisée, demain ça pourrait être autre chose. »

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