« Il n'est pas naturel pour l'Anru de s'intéresser au devenir économique d'un quartier. Notre mission initiale se cantonne aux logements », explique Eleonore Haupttman, responsable du pôle d'appui opérationnel de l'ANRU. Chargée de superviser la rédaction de l'ouvrage « Consolider la dimension économique des territoires en rénovation urbaine », présenté par l'Anru mardi 10 décembre, elle estime néanmoins qu' « il n'est plus possible que l'Anru finance le passage d'un tramway dans un quartier sans penser à y installer une pépinière d'entreprises ».
Jusqu'à présent, l'implication de l'Anru sur le terrain de l'économie locale consistait à faire participer les habitants des quartiers aux travaux de renouvellement (la loi exige aujourd'hui un pourcentage de 5%) et à participer financièrement à des opérations touchant à des équipements commerciaux. L'agence chargée de mettre en œuvre le programme national de rénovation urbaine ne se préoccupait pas du futur développement économique des zones urbaines sensibles réhabilitées.
Il s'agit désormais pour l'Anru d'imaginer, comme elle le fait déjà avec les particuliers pour les logements, le parcours résidentiel des petites entreprises.
Par exemple, dans le quartier strasbourgeois de Hautepierre, zone urbaine renouvelée et désormais desservie par le tramway, est implantée une pépinière d'entreprises. Le bâtiment accueille notamment une jeune société de communication, soutenue par le IKEA jouxtant le site. Au bout de deux ans, les jeunes entrepreneurs devront, comme dans toutes les pépinières, partir. L'Anru réfléchit à l'accompagnement résidentiel, dans le quartier, d'un parcours entrepreneurial comme le leur.
Rappelant qu'un jeune sur deux des quartiers sensibles dit vouloir créer son entreprise, l'Anru souhaite se concentrer sur des offres tertiaires alternatives visant les jeunes PME. Sur un projet dunkerquois, l'agence travaille par exemple à l'installation d'espaces de coworking, bureaux à réserver à la journée.
« Ça ne va pas être le Grand Soir économique dans les quartiers sensibles », précise Eleonore Haupttman. Dans certaines zones, il s'agira simplement de prévoir des commerces pour les habitants ». L'Anru a d'ailleurs commencé une réflexion avec les chambres de commerce et d'industrie sur une déclinaison urbaine des pôles multi-services (PMS), aujourd'hui pensés pour les zones rurales et prenant le plus souvent la forme de cafés assurant la réception du courrier et la vente de pain et quelques denrées alimentaires. Car les espaces commerciaux installés aux pied des tours dans les années 70 et 80, faisant face à la concurrence des vastes centres commerciaux installés en bordure de ville, ont mal vieilli et apparissent aujourd'hui inappropriés.
Mais ces zones urbaines dites « sensibles » présentent, après rénovation, beaucoup d'atouts. Dotés d'espace public repensé, desservis par un tramway ou des bus à haut niveau de service... ces sites sont au cœur des métropoles économiques françaises. Et si cela ne suffit pas à faire oublier aux acteurs économiques la mauvaise réputation qui colle à leur nom, le dispositif « zone franche urbaine» (le quartier Hautepierre en bénéficie), permet aux entreprises qui s'y implantent et y embauchent une main-d'œuvre locale de bénéficier d'un dispositif d'exonération de charges fiscales et sociales. Ainsi, de nombreux quartiers dont le nom renvoie aujourd'hui l'image du ghetto français, comme Clichy Montfermeil ou Aulnay-Sous-Bois, devraient demain être connus pour leurs pôles d'activités tertiaires.
Certaine de cette évolution, l'entreprise de promotion-construction Kilic s'est spécialisée dans l'implantation de plateaux de bureaux en zone urbaine sensible. Elle a déjà commencé à installer des hôtels d'activités dans les quartiers qui devraient accueillir les futures gares du Grand Paris. Le « Parc de Dhuys" à Clichy-sous-Bois propose 2 000 m² de bureaux en location et "Green Park" à Argenteuil 3 200 m².