Energie - L'air industriel prend un bain de soleil

Le plus grand parc solaire thermique français fournit une partie de la chaleur nécessaire à une usine agroalimentaire.

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Entre 60 et 70 % de la chaleur issue annuellement de la centrale solaire sont produits durant la période estivale.

Larges, noirs, alignés comme à la parade dans un champ, ils ressemblent de loin à des panneaux photovoltaïques. A une différence près : ils ne produisent pas d'électricité, mais de la chaleur. Construite par la jeune entreprise Newheat, la centrale thermique de Verdun (Meuse) est la plus puissante de France - 13 MW - et la deuxième plus grande d'Europe à alimenter un site industriel. Ce site, c'est l'usine de lactosérum en poudre de Lactalis. « Le lactosérum, que l'on appelle généralement petit lait, est un coproduit de la production de fromage utilisé par l'industrie agroalimentaire en nutrition infantile, biscuiterie ou chocolaterie », explique Jean-Luc Bordeau, directeur général de la division ingrédients de Lactalis.

Le produit est livré sous forme liquide, concentré par évaporation, puis injecté dans des tours de séchage qui culminent à 40 m. « Situé dans leur partie supérieure, un atomiseur projette le lactosérum en fines gouttelettes dans un flux d'air à 160 °C. Ce dernier emporte la partie liquide et laisse retomber la poudre », explique le directeur du site, Mahmoud Kamal, qui résume : « Il pleut en haut de la tour et il neige en bas ». Chaque année, 75 000 t de lactosérum en poudre sortent du centre de Verdun.

Au pied de l'usine, les 930 capteurs solaires thermiques, soit 15 000 m², s'étendent sur un terrain de 5 ha. « Des pompes poussent de l'eau glycolée dans une tuyauterie qui parcourt tout le champ pour irriguer les rangées de capteurs, explique Pierre Delmas, cofondateur et directeur technique de Newheat. Ces capteurs comprennent des tôles qui sont chauffées par le soleil. A leur contact, le liquide se réchauffe à son tour, puis il retourne dans la station de pompage et de régulation. »

Préchauffer le flux d’air. Là, cette boucle d’eau passe par un échangeur dans lequel elle transmet sa chaleur à un second circuit, celui de la cuve de stockage. D’une capacité de 3 000 m 3 , ce haut cylindre métallique peut emmagasiner plusieurs jours de production afin d’assurer la fourniture la nuit et lors des journées nuageuses. L’eau chaude, moins dense que l’eau froide, remonte vers le haut de la cuve où elle est injectée vers l’une des deux tours de séchage. « Elle préchauffe alors le flux d’air qui atteint 70 à 80 °C en été, explique Pierre Delmas. Ce flux-ci traverse ensuite un autre échangeur alimenté par de la vapeur produite avec du gaz et monte à 160 °C, la température nécessaire au procédé. »

« L'énergie est le deuxième poste de charge dans notre métier. » Jean-Luc Bordeau, directeur général de Lactalis Ingrédients

Le site, qui consomme 150 GWh par an, reste essentiellement alimenté au gaz mais la centrale solaire devrait lui permettre de baisser sa consommation d’énergie de 7 %, évitant ainsi l’émission de 2 000 t de CO2 par an. « Cela contribue aussi à réduire notre dépendance au gaz », relève Jean-Luc Bordeau. Et d’ajouter : « Après la matière, l’énergie est le deuxième poste de charge dans notre métier. »

« Environ 80 % du gaz consommé en France sert à produire de la chaleur », rappelle Hugues Defréville, cofondateur et président de Newheat. L’entreprise a de beaux jours devant elle, car si les installations solaires thermiques comme celle de Verdun génèrent aujourd’hui 1,3 TWh par an – soit 1 % de la production de chaleur renouvelable du pays –, l’Etat veut atteindre 6 TWh d’ici 2030 et 10 TWh en 2035. « La France installe aujourd’hui 100 000 m² de capteurs solaires thermiques chaque année, résume Hugues Defréville. Pour espérer atteindre nos objectifs, il faudrait monter à 1 million de m² par an. » Newheat prend sa part du défi et compte réaliser une quinzaine de centrales dans les trois ans qui viennent.

Informations techniques

Maître d'ouvrage : Lactosol, société de projet détenue à 51 % par Newheat et 49 % par les fonds régionaux pour la transition énergétique d'Occitanie, de Nouvelle-Aquitaine et d'Auvergne-Rhône-Alpes. Développement, fourniture et maintenance : Newheat.

Capteurs solaires : Savo Solar. Tuyauterie : Kress.

Local technique : Eiffage Energie Systèmes.

Génie civil cuve, dalle, local technique : Sogea.

Calendrier des travaux : de juin 2022 à mars 2023. Budget : 6 M€.

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