Jean-Louis Borloo : "Il faut sortir du tout béton ou du tout parpaing"

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"Dans deux ans, on devrait construire chaque année environ 20.000 maisons à 100.000 euros"

Dans un entretien au Moniteur, le ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement détaille sa politique de relance du logement qui passe par une série de mesures et d’initiatives comme la (re)découverte de nouveaux modes constructifs.

410 000 logements ont été mis en chantier en 2005 mais les autorisations de construire reculent de 6,5% en Ile-de-France. Etes-vous sûr que l'on construit au bon endroit ?

La vraie et seule question est de savoir comment, dans le passé, on a laissé chuter la construction de 500 000 à 277 000 logements et divisé par deux le logement social sans que personne ne s’inquiète. Qui sont les responsables de la crise? Ce pays a accumulé un retard de plus de 50 000 logements par an, dont la moitié de logements sociaux… Je suis stupéfait de voir que certains responsables de l'époque cherchent l'imperfection dans l'actuelle relance, alors qu'elle est historique.

Il est extrêmement difficile de mener une telle relance sur une chaîne longue, lourde, complexe, diversifiée dans le processus de décision. Et je suis surpris d'entendre des débats sur des problèmes co-latéraux alors que l'on bat des records vieux d'un quart de siècle en terme de construction globale et de 10 ou 15 ans en terme de logements conventionnés. La France devrait se féliciter tous les jours qu'on réussisse à mener un tel programme de relance, conjugué à la rénovation urbaine! Nous allons d'ailleurs allonger la durée du plan de rénovation urbaine et le porter de 20 à 30 milliards d'euros ; et nous allons signer dans les semaines qui viennent avec le 1% sa participation à ce nouvel effort. En outre n'apparaît pas encore dans les chiffres la très puissante dynamique qui démarre sur l'accession sociale à la propriété.

Quelle ampleur va prendre la construction de maisons à 100 000 euros ?

Les dispositifs d'aides que nous avons mis en place pour la maison à 100 000 euros - une TVA à 5,5% sur la construction, la dissociation entre le foncier et le bâti dans certains cas - permettent de faire de l'accession au prix de la location, dans certains sites. Je vous garantis que dans deux ans, on devrait construire chaque année environ 20 000 maisons à 100 000 euros. Je rappelle que ces maisons sont de même qualité que les autres, voire meilleure en performance énergétique. La différence majeure est dans leur mode de financement innovant. Dans presque tous les sites de rénovation urbaine, il y en aura entre 30 et 200. 18 communes signataires de la charte ont déjà lancé des opérations et une trentaine d’autres sont prêtes à démarrer.

Vous vous plaignez que votre politique est mal comprise. Qu'est ce qui vous manque aujourd'hui pour transformer l'essai ?

Le temps. Cette action prend du temps. Il faut bien l’expliquer car il faut plusieurs années pour que les Français sentent les effets du quasi-doublement de la construction engagée. L'inversion du secteur se fera probablement en 2008/2009.

Quelle est la logique de la démarche CQFD (logements à coût, qualité, fiabilité et délais maîtrisés) que vous avez lancée à l'automne ?

Elle n'en est qu'à ses débuts. Les propositions qui nous sont faites annoncent de sortir un coût de construction autour des 1000 euros/m2 (voir lien ci-contre) et des délais de réalisation sensiblement raccourcis. Mais sur le fond, il s'agit surtout de sortir de la mono-filière construction qui domine en France, d'aérer à la fois les concepts architecturaux et les modes constructifs.

Quel aspect privilégiez-vous dans la démarche CQFD ?

La rapidité. Mais aussi la diversité des "façons de faire": sortir du tout béton ou du tout parpaing. Je ne critique pas la filière en tant que telle mais son caractère monopolistique. Des délais plus rapides permettent de produire moins cher, un système pré-conçu réduit les dépassements de devis, une conception plus imaginative permet d'accroître l'espace d'habitabilité dans un même espace théorique, la concurrence de plusieurs réseaux de construction et l'émergence de procédés semi-industrialisés pèseront sur l’amélioration des prix.

La relance de la construction va s'ajouter à la TVA à 5,5% sur la rénovation et à la montée en puissance de la rénovation urbaine…Ne croyez-vous pas que l'outil bâtiment aura du mal à faire face, notamment à recruter ?

La France est confrontée à une crise de recrutement. Vous rencontrez le même type de problème dans la plasturgie. Ce n'est propre aux métiers du bâtiment et du logement. Nous avons un problème d'adaptation de l'offre et de la demande. C'est vrai qu'on leur demande un effort considérable. Je rappelle simplement que le logement est contributaire net au budget de l'Etat.

Un travail, un logement, une bonne éducation sont les trois piliers de la République. Si nous ne réussissons pas la rénovation urbaine, si l'on n'est pas capable de remettre ces sites à niveau, d'y construire des constructions magnifiques en accession sociale…on perd la bataille républicaine. Pour une filière où les processus sont si longs, ce que nous avons fait en trois ans relève déjà de l'exploit.

Propos recueillis par Françoise Vaysse et Jean-Philippe Defawe

Logement en Ile-de-France, SRU, loi portant engagement national sur le logement, prix, Crédit immobilier… retrouvrez l’intégralité de l’interview de Jean-Louis Borloo dans Le Moniteur du 24 février.

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