C’est officiel, le réacteur expérimental de fusion nucléaire Iter, ambitieux programme international de dix milliards d'euros visant à trouver une source d'énergie propre et durable, sera construit à Cadarache, dans le sud-est de la France. Une manne pour la Provence… et le BTP.
Après des mois de discussions, les six partenaires de ce programme de recherche (Union européenne, Russie, Chine, Japon, Etats-Unis, Corée du Sud) ont signé une déclaration commune stipulant que le réacteur serait construit en France.
La réunion a mis fin à des mois de compétition acharnée entre le Japon d'un côté, soutenu par Washington et Séoul, et l'Union européenne de l'autre, soutenue par Moscou et Pékin, qui défendaient deux implantations concurrentes pour ce futur réacteur qui entend offrir une solution énergétique propre et illimitée pour les siècles à venir.
Selon l'accord, le "partenaire hôte" devra assurer 50% du coût de la construction du réacteur, estimé à 4,2 milliards d'euros (a priori 40% pour l'Europe et 10% pour la France), alors que les partenaires "non hôtes" y contribueront à hauteur de 10%.
Selon des sources proches du dossier, le Japon disposerait toutefois de 20% du personnel total et de 20% des contrats industriels liés à la construction.
Cette implantation va donner un sérieux coup d'accélérateur à la Provence, qui en escompte quelques milliers d'emplois et une manne économique d'environ 3 milliards d'euros sur 30 ans.
Entre 2005 et 2015, durant les 10 années de construction du réacteur, 1.000 emplois directs et 1.400 emplois induits sont attendus, selon des études à l'initiative de la préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. 800 emplois directs et 2.400 emplois induits devraient être créés pendant les vingt années d'exploitation du réacteur (2015-2035).
Pour ce projet implanté à 70 km de Marseille et aux confins de quatre départements, le vice-président de la Communauté du pays d'Aix (CPA) Stéphane Salord parle pour sa part de 2.000 à 4.000 emplois pour la seule construction, tout en indiquant que le détail du chantier ne sera connu que début décembre.
Les grands groupes de BTP devraient se tailler la part du lion, mais l'économie locale compte tirer son épingle du jeu en matière d'aménagements routiers, de création de logements, de commerces et de services pour accueillir des centaines de chercheurs et leurs familles, explique-t-on au Groupement des entreprises du pays d'Aix (GEPA).
La préfecture de région escompte 500 millions d'euros de retombées, sur les dix premières années. Sur les vingt années d'exploitation, les retombées sont évaluées à 2,7 milliards d'euros, face à un investissement global de 4,677 milliards d'euros.
Le président socialiste de la région PACA Michel Vauzelle juge que ces chiffres ne sont "pas excessifs" mais il préfère rester "extrêmement prudent". En revanche, pour Maryse Joissains, maire UMP d'Aix-en-Provence, il ne s'agit que "de chiffres indicateurs largement en-dessous de ce qu'Iter va apporter": "Tout va être boosté: culture, universités, transports, habitat...".
"Avec un projet d'une telle ampleur, on va assister à un changement complet de l'aménagement du territoire pour tout le Sud-Est qui va bénéficier de la manne de Cadarache", ajoute-t-elle.
Depuis trois ans, un comité de pilotage régional travaille à la coordination des projets d'équipement. Une des plus importantes infrastructures à réaliser est l'aménagement d'une voie existante pour transporter depuis Fos et l'étang de Berre juqu'au chantier, des pièces de 50 m de long pouvant pesant jusqu'à 600 tonnes, "trois fois plus grosses que les plus grands éléments transportés pour l'assemblage de l'A380", souligne M. Jacques Saugier, qui anime le comité de pilotage.
Autre projet: une nouvelle liaison ferroviaire entre Marseille et Aix, et jusqu'à Manosque, bien placée pour obtenir la création d'une école internationale.
Plus modestement, les petites localités veulent maîtriser leur croissance et préserver leur âme. "Des zones d'aménagement différées ont été créées pour maîtriser le foncier et éviter la flambée", précise M. Saugier.
Une petite zone industrielle devrait être créée à Vinon-sur-Verdon (3.000 habitants). Pour le reste, "Vinon est un village équilibré qui veut garder ses terrains pour jouer aux boules. On ne veut pas passer à 10.000 habitants", explique son maire, Dominique Joubert.
A Saint-Paul-lès-Durance, commune de 800 habitants abritant Cadarache et 40 entreprises sous-traitantes, les projets restent mesurés: "une galerie marchande et une dizaine d'appartements", selon son maire, Roger Pizot.
(avec AFP)