Invoquer l’immixtion fautive du maître d’ouvrage

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L'immixtion fautive du maître d’ouvrage (MO) dans l’exécution d’un marché privé de travaux peut être invoquée par les entreprises afin de s’exonérer de leur responsabilité. Pour ce faire, elles doivent savoir déterminer les limites de l'action du MO.

Que vise la notion d’immixtion fautive ?

Le titulaire d’un marché privé de travaux est, en principe, responsable des désordres qu’il cause lors de l’exécution du contrat. Après réception des travaux, il est également tenu des dommages couverts par les garanties de parfait achèvement, biennale et décennale. Toutefois, l’entrepreneur peut s’exonérer partiellement ou totalement de sa responsabilité si le dommage est imputable à une cause étrangère. La jurisprudence qualifie comme telle le fait pour le MO de s’être immiscé fautivement dans la conception ou la réalisation des travaux.

A quelles conditions peut-on invoquer l’immixtion fautive ?

Trois conditions doivent être réunies : que le MO soit notoirement compétent en matière de construction, qu’il se soit immiscé dans les travaux et que cette immixtion soit fautive. De surcroît, l’immixtion n’est susceptible d’exonérer l’entrepreneur de sa responsabilité à raison d’un dommage que si elle est une cause directe de ce dommage.

Qu’en est-il lorsque le MO se charge de la maîtrise d’œuvre ?

En pareil cas, le MO s’immisce nécessairement dans la conception et l’exécution des travaux. S’il commet une faute dans la conception de l’ouvrage ou lors de l’exécution des travaux, il pourrait engager sa responsabilité in solidum avec les constructeurs à raison des préjudices causés à un tiers. Cette même faute pourrait être également invoquée par l’entrepreneur pour que sa responsabilité soit exonérée en tout ou partie dans le cadre d’un préjudice causé au MO.

Comment définir la compétence notoire du MO ?

Un MO doit être considéré comme notoirement compétent lorsqu’il intervient dans la conception ou l’exécution des travaux destinés à la construction ou à la réhabilitation d’un ouvrage dont il connaît parfaitement les questions techniques posées (notamment parce qu’il a une excellente connaissance des modalités d’utilisation de l’ouvrage). Il n’est pas nécessaire que le MO appartienne au monde de la construction pour être notoirement compétent. A l’inverse, un MO n’est pas notoirement compétent du seul fait qu’il serait un professionnel de l’immobilier ou de la construction s’il n’a pas une connaissance précise de l’ouvrage qu’il a fait construire ou réhabiliter.

Quand y a-t-il immixtion ?

Il y a immixtion lorsque le MO décide de la conception de l’ouvrage (élaboration de plans, choix des matériaux). Le MO s’immisce aussi dans l’exécution des travaux lorsqu’il se substitue à l’entrepreneur ou fait réaliser par un tiers des prestations qu’il appartenait à ce même entrepreneur d’exécuter. Il y a immixtion encore, lorsque le MO impose des ordres aux entrepreneurs et qu’il a notoirement la compétence technique pour le faire. Dans ce cas, les entrepreneurs émettront prudemment des réserves sur ces ordres ou refuseront de les suivre s’ils sont de nature à créer un dommage. A contrario, pas d’immixtion fautive si le MO se borne à donner son accord aux propositions du maître d’œuvre ou de l’entrepreneur. Idem si le MO intervient de manière continuelle sur le chantier pour faire des propositions ou établir des devis, notamment dans le but de réaliser des économies, dès lors que ces actes ne lient pas les entrepreneurs.

Peut-il y avoir immixtion si le MO s’abstient d’agir ?

En principe, non. Mais il a été jugé que le MO avait commis une immixtion fautive en ne communiquant pas une information qui aurait permis de prévenir la réalisation d’un dommage (par exemple en n’indiquant pas une nappe phréatique ou en omettant de faire effectuer un contrôle technique en dépit des recommandations du maître d’œuvre).

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