Après une phase d’études marquée par de nombreux désaccords entre le CHU de Nantes épaulé par son mandataire (Soderec) et le groupement de maîtrise d’œuvre porté par l’agence Art & Build (architecte mandataire), une solution a finalement été trouvée en toute discrétion cet été. « Le CHU de Nantes et le groupement de maîtrise d’œuvre, représenté par le cabinet Art & Build ont, d’un commun accord, mis fin à leurs relations contractuelles à l’issue de la phase de conception » a déclaré au Moniteur la direction du CHU en précisant au passage que « le groupement a d’ailleurs adressé un démenti au journal Presse Océan au regard de l’article paru le 7 octobre » qui indiquait que les architectes avaient été évincés du projet.
Une mission de maîtrise d’œuvre floue
Si elle reste la conceptrice du futur CHU, l’équipe constituée autour d’Art & Build – qui comprend l’architecte Jean-Philippe Pargade, le bureau d’études Artelia et l’urbaniste-paysagiste Signes Paysages – n’assurera pas le suivi de chantier et la maîtrise d’œuvre d’exécution.
Attribué le 1er juillet 2015 pour une valeur initiale de 84 millions d’euros, le marché de maîtrise d’œuvre de l’ensemble hospitalo-universitaire dit « Projet Ile de Nantes » prévoyait une mission de base au sens du décret no 93-1268 du 29 novembre 1993 et de l’arrêté du 21 décembre 1993, sans études d’exécution.
Selon l’avis d’attribution publié au BOAMP, la prestation pouvait être suivie de missions complémentaires : « livrables spécifiques liés à la qualité environnementale, signalétique, micro-implantation, coordination du système de sécurité incendie, ordonnancement-pilotage-coordination, synthèse ».
Reste que ce marché de maîtrise d’œuvre n’a jamais été très clair sur son étendue, ses missions et sa rémunération. Comme l’a remarqué la chambre régionale des comptes dans son rapport d’observations définitives sur le CHU de Nantes publié en avril 2020, très tôt « une négociation a conduit à la réécriture partielle du projet de contrat de maîtrise d’œuvre transmis dans le cadre du concours ». « Plusieurs clauses ont donc été ajoutées, comme celle obligeant désormais le maître d’œuvre à transmettre ses calculs servant de base aux estimations réalisées à chaque phase d’études (APS, APD, PRO), ou la mise en place de sanctions financières incitant au respect du coût prévisionnel des travaux puis du coût constaté des travaux ». Côté financier, la chambre indique qu’après ces négociations, le contrat porte sur une tranche ferme de 56 millions d’euros HT, à laquelle se sont ajoutées 18 tranches conditionnelles pour un montant total supérieur à 84 millions d’euros.
Très vite des désaccords sont apparus entre les deux parties à l’image du « rejet total » du premier avant-projet sommaire (APS) qui prévoyait un dépassement de l’enveloppe financière affectée aux travaux, et qui a débouché sur un premier avenant.
Des risques de tensions anticipés par la chambre régionale des comptes
Fin 2019, alors que l’équipe de maîtrise d’œuvre n’en était qu’aux phases de conception (mission « projet »), l’opération a connu des évolutions importantes, comme la non-venue de l’Institut de Cancérologie de l’Ouest, et les désaccords semblaient demeurer sur le résultat des études et la rémunération.
Globalement, la chambre régionale des comptes ne semblait pas inquiète outre mesure estimant que « cette situation témoigne d’une saine vigilance de la maîtrise d’ouvrage sur la qualité des prestations et le respect du coût du projet ». « Elle peut laisser augurer un risque de tensions avec la maîtrise d’œuvre pour la suite de la conduite de l’opération » prédisait-elle.
Contentieux réglé au tribunal administratif
De fait, cette situation devenue conflictuelle a finalement été portée au tribunal administratif de Nantes par la maîtrise d’oeuvre, notamment afin de déterminer la responsabilité du dépassement du coût prévisionnel du projet revu à 1,2 milliard d’euros, au lieu de 953 millions [dans le même temps, l’Etat portera sa subvention de 225 à 400 millions d’euros, NDLR]. Finalement, les architectes ont retiré leur recours et un accord a été trouvé, sans que les parties impliquées n’en communiquent les détails.
Ce caillou dans la chaussure définitivement enlevé et alors que les marchés de travaux commençaient à être attribués (25 entreprises, dont Vinci, Legendre, ETPO, Cardinal Edifice, ont été retenues sur cinq macrolots), le CHU a pu enfin se lancer à la recherche d’une maîtrise d’œuvre d’exécution.
Relativement discrètement, un appel d’offres a été publié en ce sens le 19 juin. Il comprend la maîtrise d’œuvre d’exécution des travaux incluant plusieurs missions complémentaires comme la coordination du système de sécurité incendie (CSSI), la synthèse des études d’exécution, le BIM management en phase travaux et la signalétique.
Selon le CHU de Nantes, les dossiers sélectionnés sont en cours d’analyse. « Le changement de maîtrise d’œuvre n’a pas d’impact sur le projet en lui-même, qui n’est remis en question ni dans son dimensionnement, ni dans son calendrier ». Et la direction du CHU de préciser que « la première pierre sera d’ailleurs posée, comme prévu, avant la fin de l’année 2021 ».