Si le maître d’ouvrage, par principe, est tenu d’indemniser l’entrepreneur dès lors que ce dernier entreprend des travaux supplémentaires « indispensables à la réalisation d’un ouvrage », le Conseil d’Etat souligne dans un arrêt du 20 décembre 2017 qu'il peut appeler le maître d’œuvre en garantie dans des cas spécifiques. Et, notamment, dès lors que ce dernier a commis une faute.
En l’espèce, une société se plaint de n'avoir pas été indemnisée par le maître d’ouvrage des travaux supplémentaires exécutés dans le cadre d’un marché de construction de bâtiments universitaires. Le tribunal administratif condamne le maître d’ouvrage à indemniser l’entrepreneur ; et le maître d’œuvre à garantir le maître d’ouvrage à hauteur de 95% de l’indemnisation. En appel, le maître d’œuvre a été déchargé de cette garantie. Le maître d'ouvrage se pourvoit en cassation.
L’indemnisation de principe par le maître d’ouvrage
Tout d'abord, le Conseil d’Etat rappelle le principe d'indemnisation par le maître d'ouvrage en des termes clairs : « L’entrepreneur a le droit d’être indemnisé du coût des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation d’un ouvrage dans les règles de l’art ; […] la charge définitive de l’indemnisation incombe, en principe, au maître de l’ouvrage ».
Le juge administratif ne fait ainsi que reprendre une jurisprudence désormais bien établie. Les travaux supplémentaires qui ne sont pas qualifiés d’indispensables n’ont pas à être indemnisés, même s’ils ont été utiles à l’Administration (v. par exemple CE, 2 juillet 1982, "Sté Routière Colas", n° 23653, Lebon p. 161 ; sur la qualification de travaux indispensables, v. notamment CE, sect., 17 octobre 1975, "Commune de Canari", n° 93704, Lebon p. 516).
Les cas d’appel en garantie du maître d’œuvre
La Haute juridiction souligne ensuite qu’en pareille situation, le maître d’ouvrage a la possibilité d’appeler le maître d’œuvre en garantie si et seulement si celui-ci a commis une faute – faute sans laquelle les travaux supplémentaires n’auraient pas été réalisés. En ce sens, elle évoque de manière explicite deux cas précis :
- L’appel en garantie du maître d’œuvre est possible lorsque «la nécessité de procéder à ces travaux n’est apparue que postérieurement à la passation du marché, en raison d’une mauvaise évaluation initiale par le maître d’œuvre » et dès lors que, si ces travaux avaient été anticipés, le maître d’ouvrage aurait renoncé à son projet de construction ou l’aurait modifié ;
- L’appel en garantie du maître d’œuvre est également possible lorsque « en raison d’une faute du maître d’œuvre dans la conception de l’ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l’ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l’ouvrage si le maître d’œuvre n’avait commis aucune faute ». Dans cette hypothèse, la garantie du maître d’œuvre est à hauteur de la différence entre les deux montants précités.
En l’espèce, le Conseil d’Etat soulève que le maître d’ouvrage « n’établissait pas qu’[il] aurait renoncé à la construction [de l’ouvrage] ou aurait modifié le projet s[’il] avait su que des travaux supplémentaires étaient indispensables à sa réalisation dans les règles de l’art ». Il n’a pas non plus démontré que le montant des travaux supplémentaires indispensables « aurait été supérieur au coût de la construction [de l’ouvrage] si [le maître d’œuvre] n’avait pas commis de fautes lors de la conception de cet ouvrage ». La Haute juridiction déboute donc le maître d'ouvrage, qui doit "supporter la charge définitive du coût de ces travaux supplémentaires, alors même que [...] ce coût n’était pas inscrit dans son budget initial ».