Les mesures d’adaptation de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020
L’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 est applicable aux concessions d’aménagement en cours ou conclues pendant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire augmentée de deux mois (articles R. 300-4 et R. 300-11-1 du Code de l’urbanisme). Mais l’application des mesures d’adaptation n’est pas automatique et doit être justifiée par la nécessité de faire face aux conséquences « de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. »
Exécution des concessions
Lorsque l’exécution de la concession d’aménagement est rendue impossible du fait de l’épidémie ou des mesures prises par les autorités administratives pour y faire face, notamment si le concessionnaire démontre qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mise en œuvre lui occasionne une charge manifestement excessive, aucune sanction ni pénalité ne peut lui être appliquée et sa responsabilité contractuelle ne peut pas être engagée.
Dans cette hypothèse, le concédant peut, nonobstant toute clause d’exclusivité, conclure, à ses frais, un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard.
Lorsque l’aménageur ne peut pas respecter les délais d’exécution prévus ou lorsque le respect de ces délais lui ferait supporter une charge manifestement excessive, le concédant est tenu, sur sa demande, de prolonger le délai pour une durée au moins égale à celle de l’état d’urgence sanitaire augmentée de deux mois.
Ces différentes mesures d’assouplissement ne sont applicables que si les stipulations de la concession d’aménagement ne sont pas plus favorables au concessionnaire.
Lorsque la durée du contrat expire pendant la période d’état d’urgence sanitaire augmentée de deux mois et qu’une nouvelle procédure de mise en concurrence ne peut pas être organisée du fait de l’épidémie, la durée de la concession d’aménagement peut être prolongée par voie d’avenant pour une durée qui ne peut excéder celle de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’une durée de deux mois et de la durée nécessaire à la remise en concurrence à l’issue de cette période.
Procédures en cours
S’agissant des procédures en cours, l’ordonnance impose à la personne publique, sauf si les prestations concernées « ne peuvent souffrir aucun retard », de prolonger les délais de remise des candidatures et des offres d’une durée suffisante pour permettre aux opérateurs économiques de répondre dans des conditions satisfaisantes.
Par ailleurs, sous réserve du respect du principe d’égalité des candidats, les modalités de la mise en concurrence prévues par les documents de la consultation peuvent être aménagées par la personne publique lorsqu’elle n’est pas en capacité de les respecter en raison de la crise sanitaire (report ou suppression de la visite sur place, dématérialisation des négociations, etc.).
A noter que la personne publique peut toujours solliciter une prorogation ou un renouvellement du délai de validité des offres auprès de tous les candidats (CE, 10 avril 2015, n° 386912, mentionné aux tables du Recueil).
L’application des dispositions du contrat d’aménagement et leur modification éventuelle
Les contrats de concession d’aménagement peuvent comporter des stipulations concernant la survenance d’événements extérieurs aux parties et ayant des incidences sur l’équilibre économique du contrat qui pourront trouver application dans le cadre de la crise sanitaire. Elles consistent souvent en une obligation d’examen conjoint des conditions de poursuite de l’opération, un engagement du concédant de maintenir l’équilibre économique du contrat (via une évolution du programme, des prix de commercialisation…), d’accorder une avance justifiée par des besoins de trésorerie temporaires ou encore de verser ou de modifier le montant de sa participation financière.
Par ailleurs, nonobstant toute stipulation de la concession d’aménagement, le concessionnaire est en droit, selon l’article L. 6 du Code de la commande publique, de solliciter une renégociation du contrat ou une indemnisation en justifiant que la pandémie du coronavirus constitue un événement extérieur et imprévisible venant bouleverser temporairement l’équilibre du contrat.
Toutefois, les modifications de la concession d’aménagement qui en résultent ne peuvent faire l’objet d’un avenant que si elles ne changent pas la nature globale du contrat et peuvent s’inscrire dans l’une des hypothèses de modification prévues par le Code de la commande publique (articles L. 2194-1 et L. 3135-1). Selon la DAJ, la crise sanitaire du coronavirus constitue une circonstance imprévue pouvant justifier des modifications du contrat si la personne publique est en capacité de démontrer un lien de causalité entre les conséquences de la crise et le besoin de modifier le contrat ainsi que le caractère strictement nécessaire des modifications envisagées.
A noter que, par dérogation à l’article L. 1414-4 du Code général des collectivités territoriales, les projets d’avenants aux concessions d’aménagement soumises aux règles relatives aux marchés publics entraînant une augmentation du montant global supérieure à 5 % sont dispensés de l’avis préalable de la commission d’appel d’offres (ordonnance n° 2020-319 modifiée par l'article 20 de l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020).
Selon l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, lorsque la personne publique modifie significativement les modalités d’exécution d’un contrat de concession qui n’est pas suspendu, le concessionnaire a droit à une indemnité destinée à compenser le surcoût qui en résulte s’il peut justifier que la poursuite de l’exécution du contrat impose la mise en œuvre de moyens supplémentaires qui n’étaient pas prévus à l’origine et qui représenteraient une charge manifestement excessive au regard de sa situation financière.
L’application de la force majeure
Selon l’article 1218 du Code civil, la force majeure est un événement empêchant l'exécution de son obligation par le débiteur, échappant à son contrôle, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées. Cette définition peut cependant être modifiée, précisée ou complétée par la concession d’aménagement.
Parmi les mesures de soutien aux entreprises prises par le gouvernement, figure « la reconnaissance par l’Etat et les collectivités locales du coronavirus comme un cas de force majeure pour leurs marchés publics » (1). Toutefois, l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 ne pose pas de présomption de force majeure et selon la fiche technique publiée par la DAJ, celle-ci « ne peut être qualifiée qu’au cas par cas » .
Si la condition d’extériorité ne pose pas de difficulté, l’imprévisibilité de l’événement pourrait être contestée lorsque la concession d’aménagement a été conclue alors que le risque d’épidémie était déjà largement connu. Par ailleurs, seule la démonstration d’une impossibilité absolue de poursuivre, momentanément ou définitivement l’exécution du contrat du fait de l’épidémie, permettrait de justifier de la condition d’irrésistibilité.
Les mesures sanitaires et de confinement sans précédent ordonnées par le gouvernement dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 pourraient conduire à un revirement de la jurisprudence qui, jusqu'à présent, écartait systématiquement la qualification de force majeure en cas d’épidémie.
Outre l’application des dispositions du contrat d’aménagement y faisant référence, la force majeure permet de suspendre ou de résoudre le contrat. Elle exonère le concessionnaire de sa responsabilité contractuelle.
La suspension du contrat peut être prononcée à l’initiative du concessionnaire ou du concédant lorsqu’en raison d’un cas de force majeure, son exécution est empêchée temporairement, à moins que le retard qui en résulterait ne justifie sa résolution. Selon l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, elle suspend tous les versements au concédant prévus par le contrat (loyers, redevances d’occupation, etc.).
Le concédant peut résilier la concession d’aménagement en cas de force majeure (articles L. 2195-2 et L. 3136-2 du Code de la commande publique). Le juge administratif exclut dans cette hypothèse l’indemnisation du manque à gagner pour le concessionnaire (CE, 14 juin 2000, n° 184722, publié au Recueil). Mais la résiliation du contrat pour un motif d’intérêt général permettrait une telle indemnisation si le contrat ne s’y oppose pas. L’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 prévoit, pour les seuls marchés résiliés du fait de la crise sanitaire, le droit pour le titulaire d’être indemnisé des dépenses engagées, directement imputables à l’exécution des prestations non réalisées ou annulées, même en présence d’une stipulation contractuelle contraire.
(1) Gouvernement, 16 avril 2020, « L’activité de votre entreprise est impactée par le coronavirus Covid-19. - Quelles sont les mesures de soutien et les contacts utiles pour vous accompagner ».