Incendie et aménagement (3/5) : Les Alpilles démontrent les atouts d’un parc naturel régional

L’expression "épreuve du feu" ne pourrait mieux s’appliquer qu’au parc naturel régional des Alpilles, placé depuis le 24 juillet sous vigilance rouge face aux incendies, comme l’ensemble du département des Bouches-du-Rhône. La première utilisation de ce dispositif d’alerte créé en juin dernier par Météo France s’apparente à un test pour les 55 000 ha de forêts : leur gestion fait référence en matière de stratégie d’aménagement pensée en fonction du risque d’embrasement.

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piste coupe-feu
Le réseau de pistes dédiées à la prévention des incendies forme autant de barrières coupe-feu.

Fin juillet, la publication de la synthèse du plan du massif des Alpilles pour la défense contre l’incendie enfoncera le clou sur une évidence : le risque ne s’arrête pas aux limites des communes. A l’issue de la transformation d’une association intercommunale en 2007, cette analyse fonde l’identité du seul parc naturel régional (PNR) né de la lutte contre les feux de forêt.

De l’intercommunalité au massif

D’emblée, l’institution a pris la délégation de la compétence communale de défense des forêts contre l’incendie (DFCI) pour se doter de l’instrument juridique prévu au code forestier : le plan intercommunal de débroussaillement et d’aménagement forestier (Pidaf), rebaptisé plan de massif DFCI à l’occasion de son actualisation bouclée en 2022, avant la publication de la synthèse au cours de l’été 2023.

La procédure conforte des moyens financiers et leur traduction matérielle : pour mener à bien les travaux qui découlent de sa compétence, le parc dispose d’un brise-roche hydraulique, d’une pelle mécanique, d’une niveleuse et d’un compacteur rouleau. Surtout, au vu de son programme annuel de travaux, il bénéficie de 250 K€/an, dont 20 % à la charge des communes, qui se partagent la dépense en appliquant une règle de péréquation.

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Approche multifonctionnelle

Le délégataire ne déroge pas à l’approche multifonctionnelle qui constitue la marque de fabrique des PNR. Chargé de mission DFCI, Jonathan Baudel en donne le mode d’emploi : « De la ligue pour la protection des oiseaux aux services déconcentrés des ministères de l’Ecologie et de l’agriculture, chacun défend son enjeu, en amont comme dans le suivi des travaux ».

Sur une parcelle de 20 ha pressentie pour des éclaircies, la concertation peut aboutir à en réserver une partie pour un projet de pastoralisme, tandis que sur une autre, le contexte encourage à limiter le broyage aux rémanents, pour préserver le garde-manger de la faune. Dans tous les cas, le calendrier des travaux évite les impacts les plus lourds pour la biodiversité.

Synergie économique

Pour les exploitants forestiers, l’approche multifonctionnelle offre un avantage pratique appréciable : le réseau des pistes DFCI ne comprend aucun cul-de-sac, ce qui évite aux grumiers des difficiles manœuvres de retournement en pleine forêt.

Sous-tendu par l’idée que l’exploitation limite la vulnérabilité, le lien ainsi établi entre l’économie de la filière bois et la prévention des incendies a connu une stimulation réglementaire en 2018 : le classement C24 a fait entrer le pin d’Alep dans la famille des matériaux de construction. Le bardage de la maison du PNR témoigne de l’engagement de ce dernier pour la filière naissante.

Maison du parc
Maison du parc Maison du parc (Patrick ASSALI)

Effet d’entraînement

Signe de l’attractivité de l’approche multifonctionnelle de la lutte contre les incendies : le frein que constituaient les propriétaires privés a disparu.

« Ils ont compris que l’isolement augmente les risques de disparition de leurs biens, et n’hésitent plus à nous donner les clés de leur domaine, pour créer des points d’eau, des barrières ou des voies. C’est devenu quelque chose de normal dans notre territoire, tout comme le respect des obligations de débroussaillage », se réjouit Jean Mangion, président du PNR des Alpilles et vice-président de la fédération nationale des PNR.

Frein réglementaire

Malgré plus de 10 ans sans incendie de plus d’une centaine d’hectares sur son territoire, le parc identifie les moyens qui lui manquent pour sécuriser ce bilan : « Nous ne participons pas à l’élaboration des plans locaux d’urbanisme et des schémas de cohérence territoriale, et le plan de massif n’est pas opposable. Tout repose sur la bonne volonté des communes », signale Jonathan Braudel.

« La fédération revient à la charge à chaque nouveau ministre, pour donner aux parcs le pouvoir réglementaire qui leur manque », soupire le président Jean Mangion. Cette faille préventive s’ajoute selon lui à l’insuffisance des moyens matériels des pompiers, et aux injonctions contradictoires de l’Etat, prompt à renverser la hiérarchie de ses préoccupations quand la priorité aux énergies renouvelables vient heurter l’approche multifonctionnelle de l’aménagement du parc.

Innovations morvandelles

L’entrée du risque incendie caractérise la seconde charte forestière du parc naturel régional du Morvan (PNR), adoptée en 2022 dans une région longtemps épargnée. « Plusieurs départs de feu, dont l’un sur 18 hectares, nous ont poussés dans ce sens », témoigne Théo Damasio, chargé de mission bois et forêts.

La cartographie des 152 000 hectares de surfaces boisées, soit 46 % du Morvan, constituera le premier acte découlant de la nouvelle ligne directrice. La structure foncière donne une idée de la difficulté de l’exercice : 22 000 propriétaires se partagent 85 % de l’emprise. 3% d’entre eux détiennent 67 % des forêts privées. La vulnérabilité se concentre dans la masse des autres.

Au titre du fonds vert, le parc a déposé cet été une demande de subvention pour lancer le marché d’ingénierie cartographique qui permettra de caractériser l’accessibilité du massif réparti sur les quatre départements de la Nièvre, de la Saône-et-Loire, de la Côte-d’Or et de l’Yonne.

Adressée à l’Union européenne, une autre demande en cours concerne la phase 2 du projet de laboratoire forestier du mont Beuvray, programmé sur 950 hectares. Pour expérimenter une diversification des essences au profit d’arbres capables de résister au réchauffement climatique, le parc porte cette initiative aux côtés de l’Office national des forêts et de l’établissement public de coopération culturelle dédié à la gestion de l’ancienne ville gallo-romaine de Bibracte, classée parmi les grands sites de France.

« La fin de la monoculture des résineux peut favoriser la résilience », espère Théo Domasio. Cet objectif s’ajoute à l’ambition d’impulser une nouvelle filière de valorisation du bois.

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