Au moins, le courant est passé ! Entre le maître d'ouvrage de la restauration de l'usine hydroélectrique d'Illkirch-Graffenstaden (au sud de Strasbourg) et HagerWinco Design, l'accord n'a pas traîné. « D'emblée, ce lieu magique nous a convertis », confirme Erwin Van Handenhoven, P-DG de l'agence de design de l'équipementier électrique Hager, encore sous le charme de sa première visite par un jour de neige de l'hiver dernier.
Avec ses deux façades ponctuées de baies cintrées grimpant sur les trois quarts des 10 m de hauteur de murs, le bâtiment industriel de 1903 se présente comme un étendard de la modernité, adapté à la mise en scène de l'une des premières unités de production de courant alternatif dans l'empire de Guillaume II. Au trait d'union électrique entre l'ancienne et la nouvelle vocation du site, Erwin Van Handenhoven ajoute des arguments philosophiques et culturels : « Pour créer les standards d'après- demain, rien ne vaut la mémoire du passé. »
Dans la puissance du pont roulant porté par des chapiteaux décorés, le designer voit des emprunts aux cultures architecturales germaniques et latines. Une richesse qui correspond à la vocation européenne de Hager-Winco Design.
Dix ans de gestation
La séduction immédiate de l'utilisateur contraste avec les dix ans de gestation de la restauration du site, utilisé jusque dans les années 1980 par le charcutier-saleur Olida pour fournir en électricité son usine, située de l'autre côté de la rivière Ill. Titulaire d'un permis de démolir en 1997, le promoteur Jean-Pierre Bihl choisit de ne pas l'utiliser et multiplie les contacts avec des utilisateurs potentiels, en veillant à la compatibilité avec la proximité des 43 logements qu'il a construits.
Préférant sa liberté d'action aux subventions publiques, le propriétaire refuse l'hypothèse d'une inscription à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques (ISMH), mais prouve en actes son amour du patrimoine : « Il a insisté pour récupérer les tomettes rouges et blanches du dallage initial », témoigne Pierre Hoslin, l'architecte qui a repris la mission initialement confiée à Jean-Pierre April, décédé en 2007. Compatible avec un cloisonnement à la charge de l'utilisateur, l'intervention respecte la structure initiale : à gauche, à partir de l'entrée, l'espace d'exposition met en valeur l'alternateur en forme de grande roue métallique (6,20 m de diamètre), pièce maîtresse du process ; à droite, l'ancien transformateur laisse la place à trois niveaux de bureaux calibrés pour une dizaine de personnes.
Pierre Hoslin rend hommage au charpentier métallique local Ohwiller, qui a suspendu le parallélépipède à des tirants accrochés aux poutres du plafond : « Il a su caler la structure neuve dans un vieil objet, sans le perturber. »