Après une phase critique pour sa survie, la refonte pédagogique actée par l’Esaj au printemps 2020 se focalise sur un objectif désormais visé pour 2023 ou 2024 : rejoindre le club des écoles dont le diplôme ouvre de droit au titre de paysagiste concepteur, reconnu par la loi biodiversité d’août 2016. Point de passage obligé, la création d’une cinquième année interviendra dès l’an prochain.
Urbanisme transitoire
Pour régler la question des murs trop étroits, les étudiants pionniers se mettront à l’heure de l’urbanisme transitoire : « Sur le modèle de l’école urbaine de Sciences Po et avec l’accompagnement des urbanistes de Plateau urbain, nous investirons des sites en transition qui varieront d’une année sur l’autre », annonce le directeur Sacha Lenzini.
Autour de Gilles Clément, de grands noms de l’aménagement ou des sciences du vivant donnent sa nouvelle aura intellectuelle au comité d'orientation stragétique (Cos) de la seule école privée agréée par la Fédération française du paysage (FFP) : citons Jacqueline Osty, auréolée par son récent grand prix de l’urbanisme décroché en 2020, deux ans après son grand prix national et sa victoire d’or du paysage ; l’ancien président de la FFP Pierre-Marie Tricaud ; Thierry Paquot, philosophe de l’urbain ; ou la botaniste Véronique Mure…
Indépendance pédagogique
Des garants institutionnels consolident le Cos : familier des cabinets ministériels de l’enseignement supérieur ou de la Transition écologique, l’ancien directeur de l’école du paysage de Blois Marc Claramunt y siège, de même que Zoé Billié, chargée de mission au bureau des paysages et de la publicité, entité rattachée à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature du ministère de la Transition écologique.
L’indépendance pédagogique se conjugue avec les synergies apportées par la division écologie du nouveau propriétaire, repreneur de l’école à la fin 2019 : le groupe SOS, avec ses filiales Fermes d’avenir ou son cabinet conseil en transition socio-écologique Auxilia.
Génération Oursons métis
Symbole de son retour dans la famille des grandes écoles du paysage, l’Esaj participe à l’exercice proposé par son président à tous les étudiants et jeunes diplômés de la profession : sur la saline royale d’Arc-et-Senans (Jura) qu’il contribue à redessiner dans un « Cercle immense », Gilles Clément leur propose de réaliser le jardin des « oursons métis » - allusion aux croisements de grizzlis et d’ours polaires récemment observés en arctique et interprétés comme le signe d’une stratégie d’adaptation au changement climatique.
« Vous avez la chance de ne pas avoir exercé votre génie dans la vision cadrée des temps anciens », harangue le jardinier, poète et théoricien du « tiers paysage » dans son appel à projets. Il intégrera l'oeuvre du lauréat dans sa propre composition, à l’été 2022, lors du 22ème festival des jardins d’Arcs-et-Senans.
Esprit de famille
« La joie du vivant partagée avec la génération des oursons métis, nous l’avons tous ressentie à la rentrée 2020, quand nous avons enfin pu nous retrouver dans les locaux de l’école », se souvient Sacha Lenzini. Le regain d’attractivité s’est traduit dans l’intégration d’une quinzaine d’étudiants qui ont regonflé les maigres promotions de troisième et quatrième année, « y compris un chinois et une libanaise qui nous amènent d’autres cultures de l’aménagement du territoire », se réjouit Sacha Lenzini.
Certes, le second confinement n’a pas épargné l’Esaj, avec son risque d'exposition à la déprime d'autant plus aigu que nombre d’étudiants, originaires de province, habitent seuls dans des studios minuscules. Fin octobre, l’école les autorise à rejoindre leur famille, tout en négociant un compromis avec le rectorat, pour rendre possible les ateliers en Paysage et Arts plastiques dans l’établissement. « Nos enseignants maintiennent le lien individuel avec chaque étudiant », louange Sacha Lenzini, attaché à l’esprit familial que favorisent les promotions de 20 élèves.
Défis social et culturel
L’abaissement de la barrière financière inhérente à des droits annuels de 8250 euros figure parmi les prochains défis à relever, à l’ordre du jour du prochain Cos programmé en juin. Comme sciences po, l’Esaj envisage d’accueillir un quota de titulaires de bourses d’excellence, à raison d’un ou deux promotions. « J’ai moi-même dû emprunter pour payer ma scolarité : je mesure l’effort, et je sais ce qu’il m’a rapporté », témoigne le directeur, issu de la promotion 2013 d’où est sorti le noyau d’anciens qui ont porté le sauvetage de l’école.
Sur le plan pédagogique, l’Esaj entend concentrer ses efforts sur l’écrit, « ressenti comme pesant » par la génération des oursons métis, constate Sacha Lenzini. Cette volonté saute aux yeux dès l’entrée dans les locaux rénovés, qui ouvre sur la nouvelle bibliothèque aménagée pendant la crise du Covid par l’agence d’architecture Les Ateliers permanents.