HLM : ce rapport confidentiel étrille le principal bailleur public des Bouches-du-Rhône

Un document de l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) pointant de nombreuses dérives dans la gestion de 13 Habitat a entrainé un changement de gouvernance. Nommés au cœur de l’été, les nouveaux dirigeants doivent remettre l’Office public de l’habitat (OPH) en ordre de marche.

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13 Habitat
Production au ralenti, délais de relocation anormalement longs... L’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) liste de nombreux mauvais points à l’Office public de l’habitat (OPH) 13 Habitat, dont le siège est à Marseille.

L’Office public de l’habitat (OPH) des Bouches-du-Rhône change brusquement de visage. Damien Vanoverschelde a été nommé directeur général de 13 Habitat, le 14 août. Débarqué de la direction de Hauts-de-Seine Habitat (43 000 logements) au printemps dernier, ce haut fonctionnaire de 60 ans rebondit à la barre du principal bailleur social public du département qui sort d’une grave crise de gouvernance.

Après avoir limogé l’ancien DG Frédéric Mignon, le 27 mars, l’ancienne présidente de l’office Nora Preziosi a, à son tour, été écartée le 27 juin par Martine Vassal, la présidente de droite du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Dans la foulée, le 18 juillet, le conseil d’administration renouvelé de l’organisme a désigné le conseiller départemental aixois Jean-Marc Perrin, lui aussi de droite, à sa présidence.

Une production au ralenti

Ces départs faisaient suite aux conclusions d’un rapport au vitriol de l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols). Ce document confidentiel de 85 pages adressé à Nora Preziosi le 5 juin, et que Le Moniteur a pu consulter, pointe une série de dysfonctionnements dans sa gestion : délais de relocation anormalement longs (126 jours), absence d’examen triennal des conditions d’occupation, défaillance dans les processus d’attribution, risques pour l’équité de traitement des demandeurs… Des ajustements organisationnels sont jugés nécessaires, notamment entre le siège marseillais et les agences, de Martigues à Vitrolles.

L’office, dont 43% du patrimoine de 35 000 logements est situé à Marseille et près de la moitié en quartiers prioritaires, assure certes un rôle social central dans un territoire marqué par une forte tension locative. Mais en dépit de loyers parmi les plus bas du marché locatif social, l’attractivité du parc, de 50 ans en moyenne, qui pâtit d’un manque d’entretien et d’un niveau de satisfaction des locataires en forte baisse. Et le rythme de production neuve reste excessivement bas : le parc a augmenté de seulement 0,7% sur la période 2019-2023, note l’Ancols.

Pour y remédier, l’OPH a adopté en 2023 un nouveau plan stratégique de patrimoine (PSP), prévoyant un investissement de 4Mds€ à l’horizon 2040 : 2,4Mds€ pour l’existant et 1,6Md€ pour le neuf. Mais ce second volet reste très incertain, du fait de la rareté du foncier et de la dépendance à l’acquisition en Vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) auprès des promoteurs, sans garantie d’adéquation avec les besoins exprimés dans les documents de programmation (PLH).

Retards dans le renouvellement urbain

Les enjeux patrimoniaux incluent également dix projets avec l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) engagés à Marseille, Arles, Martigues… où 1300 démolitions sont programmées. Problème : 60% des 77M€ d’aides prévues restent à mobiliser d’ici mi-2026. Le gendarme des organismes HLM s’inquiète notamment des risques de retard de plusieurs opérations nécessitant plus de 100M€ d’investissement comme les cures de jouvence des cités Campagne-Lévêque à Marseille et Bariol à Arles.

13 Habitat a levé en 2023 le gel des loyers en vigueur depuis 2015, libérant des marges de manœuvre financières. Le bailleur s’engage par ailleurs dans une réduction des coûts de gestion, passant de 814 à 744 salariés équivalents temps plein en quatre ans, ainsi que dans la valorisation du patrimoine via des ventes à l’unité. L’analyse prospective 2024-2033 de l’Ancols montre néanmoins que les capacités financières seront fortement mobilisées, avec une multiplication par près de trois des dépenses patrimoniales annuelles (169M€ prévus en moyenne annuelle contre 63M€ auparavant).

Manquements éthiques

Au-delà des contraintes budgétaires, le rapport révèle des manquements graves en matière de gouvernance et d’éthique. Plusieurs cas de conflits d’intérêts avérés sont mis en évidence, notamment l’attribution de logements à des proches de la présidente – également présidente de la commission d’attribution – et d’un directeur, dans des conditions préférentielles (travaux, prestations). L’éviction préalable de ménages relevant du Droit au logement opposable (Dalo), prioritaires dans un contexte tendu (110 000 demandes d’HLM sont en souffrance dans le département), aggrave la situation.

Face à ces dérives, les instances de 13 Habitat sont appelées à renforcer les mécanismes de prévention et de contrôle des conflits d’intérêts pour restaurer la transparence et l’équité.

La nouvelle équipe dirigeante n’aura guère eu le temps de profiter de la trêve estivale. Car nombre de dossiers brûlants sont ouverts. Elle a d’abord dû réunir en urgence la commission d’attribution des logements dont les travaux avaient été suspendus durant le changement de gouvernance. Jean-Marc Perrin et Damien Vanoverschelde doivent également faire part de leurs observations à l’Ancols sur son rapport d’ici le 5 octobre. Une mission ardue, l’agence ayant émis dix recommandations et pointé neuf irrégularités.

Pénalité financière symbolique

Enfin, le duo doit composer avec la fermeté de Juliette Méadel. Après avoir menacé de priver de l’abattement de taxe foncière (TFPB) 13 Habitat et d’autres bailleurs sociaux de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour manquement dans la gestion de certains de leurs ensembles, la ministre de la Ville a fait tomber le glaive sur le seul OPH départemental.

C’est après avoir constaté les dysfonctionnements persistants dans l’entretien d’une résidence de 728 logements des années 70 que l’ex-socialiste a annoncé, le 25 juillet, la suppression de l’exonération de TFPB dont bénéficiait 13 Habitat. Première en France, cette sanction de portée symbolique (l’exonération se montait à 130 000€) est un caillou de plus laissé par la précédente gouvernance dans la chaussure de ses successeurs. Localement, cette décision fait grincer : alors que l’OPH et sa tutelle départementale semblent enfin décidés à tourner la page d’années de gestion calamiteuse, est-il judicieux pour le gouvernement de tirer sur l’ambulance ?

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