Halte à l’asphyxie avec les matériaux dépolluants ?

Petite pierre à l’édifice de la lutte contre la pollution en milieu urbain, les matériaux dépolluants ont fait la preuve de leur efficacité en laboratoire. Reste à les mettre massivement en œuvre pour une efficacité grandeur nature.

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Conçu par l’architecte Richard Meier, situé à Bergame (Italie) le long de l’autoroute Milan Venise au niveau du Kilometro Rosso (Jean Nouvel), le centre de recherche d’Italcementi Group a été construit avec 1200 m3 de béton blanc dépolluant.

Circulation alternée, transport gratuit, covoiturage… autant de mesures qui visent à réduire les pics de pollution. Autre mesure qui pourrait avoir un impact sur la qualité de l’air dans les métropoles : inciter les constructeurs à utiliser des matériaux dépolluants en façade et couverture. Bétons, membranes d’étanchéité, bitume, lasures, peintures, vitrages ou encore bardages… les produits existent, certains d’entre eux depuis une bonne dizaine d’années déjà. Ces produits ou systèmes constructifs, qui utilisent les propriétés de photocatalyseur du dioxyde de titane (TiO2), ont d’abord été développés et utilisés pour leurs caractéristiques en matière d'autonettoyage. Le béton, avec quelques réalisations emblématiques comme l'Eglise du Jubilé à Rome, ou les vitrages autonettoyants sont aujourd’hui les plus utilisés. C’est en les étudiant de plus près que les scientifiques se sont aperçus qu’ils avaient aussi des propriétés dépolluantes et qu’ils pouvaient apporter leur tribut dans ce domaine.

Impact important sur les NOx

Question d’actualité : ces matériaux peuvent-ils agir sur les particules fines dont on parle tant ces jours-ci ? « La réponse est "non", la photocatalyse ne permet pas de détruire les particules fines émises par les moteurs diesel », regrette Alain Mathurin, président de la Fédération européenne de la photocatalyse. Et ce dernier d’ajouter immédiatement : « En revanche, ils peuvent avoir un impact important sur un autre polluant émis par les véhicules diesel : les oxydes d’azote (NOx). Des gaz, émis lors de la combustion des impuretés contenues dans les énergies fossiles, particulièrement le fioul, qui sont en partie détruit par la photocathalyse. C’est important parce que cela limite la formation d’ozone, donc les pics de pollution liés à l’ozone ». De nombreuses études ont été réalisées et toutes vont dans le même sens : « Les résultats confirment que le niveau de polluant baisse avec ces matériaux, à condition que la luminosité (ultraviolets) et le niveau d’humidité soient suffisants ».

Destruction de 80% NOx

Par exemple, la membrane NOx-Activ® de Siplast, qui bénéficie d’un DTA du CSTB (GS n°5), a été testée en laboratoire par le CNRS-Icare à Orléans. Pour le fabricant, les résultats obtenus sont très probants en termes d’efficacité et de longévité : « En présence de rayonnements UV, la réaction est quasi instantanée et la membrane détruit plus de 80 % des NOx au bout de sept heures dans une enceinte non ventilée qui contient 250 ppb, soit un niveau de pollution moyen enregistré sur le périphérique parisien ». De son côté, Ciments Calcia (Italcementi Group), à l’origine du ciment dépolluant TX Active®, a évalué ces produits en conditions extérieures. Baptisée « Rue Canyon » mis en place dans le cadre du projet de recherche européen Picada (Photocatalytic Innovative Coverings Applications for De-pollution Assessment), l'expérimentation visait à tester l'efficacité des propriétés photocatalytiques sur un modèle reproduisant les conditions environnementales d'une rue (à l’échelle 1/5e) située entre deux copropriétés. Les murs des ruelles ont été enduits, l'un avec un enduit à base de ciment dépolluant, l’autre avec un enduit à base de ciment ordinaire et équipé de capteurs. La pollution a été simulée à l’aide de gaz d’échappement produits en continu pendant sept heures.

De 20 à 80% selon orientation

Là encore, le fabricant est satisfait du résultat, d’autant qu’il a pu évaluer l'effet photocatalytique par rapport aux directions du vent. Ainsi les résultats montrent que le pourcentage de réduction du niveau de pollution dans la rue passe de 20 %, lorsque l’orientation des vents est parallèle à la rue, à 80 % lorsqu’elle est perpendiculaire à la rue. Autrement dit, lorsque les gaz restent plus longtemps en contact avec la surface des murs, l’action dépolluante est plus significative. Et, lorsque les vents évacuent la pollution à l’extérieur de la rue, l’action dépolluante est moindre.

Alors solution miracle ? Oui, à condition que ces produits deviennent la norme. Car suivant l’expérimentation menée par Siplast, 10 000 m² de toiture recouverte avec une membrane correspondent à la dépollution des NOx générés par huit voitures diesel et par 35 voitures essence. Un résultat à mettre en perspective avec le nombre d’automobiles qui asphyxient nos villes : « La photocatalyse contribue à améliorer la qualité de l’air, mais elle ne résoudra pas à elle seule tous les problèmes de pollution », conclut Alain Mathurin.

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