Le sable, le bois, le fer… toutes ces matières premières sont aujourd'hui surconsommées à l'échelle mondiale, au point que certaines se raréfient. Face à cette dynamique inquiétante, les industriels français se veulent rassurants.
Le sable ? Sa consommation est hyperréglementée, souligne Edouard Plattard, directeur général éponyme de la société qui fabrique des produits en béton : « L'exploitation des carrières en France est soumise à des audits environnementaux et à des tonnages précis d'extraction. » Le bois ? Malgré les grands incendies de l'été, Gwénolé Lees, chef de marché construction chez Piveteaubois (Mondial du Bâtiment, hall 1, stand N046), souligne que « la ressource ne cesse de progresser. Les coupes restent inférieures à la biomasse générée ». Quant à l'acier, Olivier Vassart, directeur général de Steligence, une division d'ArcelorMittal (hall 1, stand M14) qui vise à développer une plus grande collaboration entre les acteurs de la construction, rappelle que « le minerai de fer reste l'un des matériaux les plus abondants sur terre ». Cependant, les industriels n'attendent pas le point de non-retour pour s'engager dans la voie de la sobriété. Sébastien Duprat, cofondateur de Cycle Up (hall 1, stand L88) à l'initiative de la création du Syndicat des acteurs du réemploi des matériaux de construction, résume l'enjeu en une phrase : « Le nouveau défi des ingénieurs sera de générer un maximum de mètres carrés avec un minimum de matériaux. » Mais avant de se pencher sur le réusage, l'effort doit porter sur une conception plus économe des produits, tout en garantissant des performances égales ou supérieures. Plattard utilise ainsi de la pierre ponce pour ses blocs béton. Plus légère, elle offre une meilleure inertie. Quant à Piveteaubois, avant même d'affiner le dimensionnement de ses poutres, l'entreprise cherche à maximiser le bois d'œuvre lors de la transformation de chaque arbre. « Nous utilisons des scanners à rayons X qui analysent le cœur de la grume avant le sciage afin d'améliorer le rendement et donc les volumes destinés à la construction », indique Gwénolé Lees.

L'optimisation passe ensuite par le choix du bon matériau au bon endroit, ce que la construction hors site s'évertue aussi à démontrer. Ainsi, Sophie Meynet, directrice générale immobilier résidentiel de GA Smart Building, explique que « chez Ossabois [détenu par GA, NDLR], les bastaings sont aboutés, puis découpés en fonction du projet, pour produire planchers et murs sans perte de matière. L'ensemble des corps d'état sont ensuite intégrés à la préfabrication des modules 3D, ce qui permet également d'optimiser les quantités de matériaux du second œuvre ».

Réutiliser pour ne pas perdre. Néanmoins, ne pas perdre la matière, c'est aussi la réutiliser. D'ailleurs, la loi Agec relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire va y obliger les fabricants - qui pour le moment le font peu -, avec l'entrée en vigueur le 1er janvier prochain de la responsabilité élargie du producteur (REP) bâtiment. Mais alors que les matériaux de structure neufs sont mis sur le marché avec leurs garanties, « quelles seront les mesures équivalentes à prendre pour les produits issus du réemploi », s'interroge Olivier Vassart. Sur ce sujet, les contrôleurs techniques sont très attendus dans un rôle de facilitateur d'innovation. « Nous devons faire correspondre des impératifs réglementaires et assurantiels avec la nécessaire sobriété constructive », explique Patrick Bossa, directeur solutions techniques et innovations de Socotec Construction et Immobilier. Cette démarche, Sébastien Duprat de Cycle-Up la considère comme quasi superflue : « Le réemploi des éléments de gros œuvre ne devrait pas relever des champs de l'innovation. Réutiliser un élément de structure suppose d'analyser l'existant, une précaution déjà maîtrisée dans le cadre de toute réhabilitation. »

Pour autant, tous les matériaux ne sont pas égaux devant le réemploi. L'acier semble ainsi avantagé. « Comme les profilés sont standardisés, nous sommes capables, sur la base d'un diagnostic de charpente, de déterminer les Eurocodes utilisés et donc d'en déduire l'année de construction, cela facilite grandement son réusage », explique Simon Desrumaux, directeur administratif et financier de l'entreprise de chaudronnerie métallique Noguès. Il espère d'ailleurs donner une nouvelle vie à des charpentes démantelées d'ici mars 2023.
Enfin, côté recyclage, Plattard s'est dotée d'un site dédié. « Nous y acheminons, notamment par voie fluviale, 320 000 t de déchets dont 120 000 t de bétons, briques, tuiles, carrelages… issus de chantiers de déconstruction voisins. Une fois traitée sous forme de granulat, une grande partie - jusqu'à 30 % quand la réglementation le permet - est incorporée dans nos processus de fabrication », explique Edouard Plattard, qui mène des travaux de R & D dans la perspective d'atteindre 100 % de matériaux recyclés pour des usages bien particuliers.
