Il y a quarante ans, lorsque j'ai commencé à m'occuper de forêts en Alsace, en Lorraine et en Picardie, nous plantions environ 30 arbres par hectare. Aujourd'hui, il n'y a plus besoin d'en planter, ce qui représente une économie considérable. Dans le même temps, le nombre d'heures nécessaire pour s'en occuper a été divisé par 10, alors qu'il s'agit de forêts qui couvrent a minima une cinquantaine et souvent plusieurs milliers d'hectares », pose Evrard de Turckheim, expert forestier et président de Pro Silva France.
Cette prouesse a été réalisée en suivant les principes de l'association, qui consistent à mettre en place une sylviculture mélangée à couvert continu et à penser non plus à l'échelle de la parcelle, mais à celle de l'arbre. Concrètement, dans ces espaces relativement instables à l'époque car peuplés d'essences homogènes, l'expert a introduit de la diversité en plantant douglas, mélèzes, érables champêtres, chênes… « Ces derniers sont prioritaires car les études climatiques montrent que cette essence supportera plutôt bien les périodes plus chaudes », précise l'expert. Pour limiter les soins aux jeunes plants, ils grandissent en demi-ombre ce qui protège également le sol.
Eclaircies précautionneuses. Quant aux prélèvements, ils sont réalisés par des bûcherons qui ne coupent que les arbres préalablement identifiés par l'expert. Ces éclaircies précautionneuses servent aussi bien à ponctionner ceux ayant le plus de valeur de par leur diamètre, leur longueur et leur robustesse qu'à couper ceux qui gênent la croissance d'autres plus prometteurs. Leur évacuation s'effectue ensuite grâce à des engins légers de façon à respecter la biodiversité du sol et emprunte les chemins que forment les cloisonnements forestiers. Quid du prix pour gérer les forêts avec cette méthode ? « Le surcoût représente 2 à 3 euros/ha mais elle évite plusieurs étapes indispensables aux coupes rases, donc in fine, nous sommes très compétitifs », affirme Evrard de Turckheim.