Géothermie : l’Etat enterre le projet Fonroche près de Strasbourg

La préfète du Bas-Rhin a ordonné l’« arrêt définitif des travaux » de la centrale géothermique qui devait ouvrir l’an prochain, mais se retrouvait sur le grill depuis une succession de séismes.

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Le 7 décembre 2020, la préfecture a ordonné l’« arrêt définitif des travaux » de la centrale géothermique de Vendenheim près de Strasbourg (Bas-Rhin).

Ce fut bien le séisme de trop. Ainsi que la perspective s’en dessinait, la préfecture du Bas-Rhin a ordonné l’enterrement du projet de centrale de géothermie de la société Fonroche à Vendenheim au nord de Strasbourg (Bas-Rhin), suite à la secousse de magnitude 3,59 dont l’infrastructure a été la cause le 4 décembre. Entre fin octobre et mi-novembre, cinq autres, suffisamment fortes pour être ressenties par la population de l’agglomération, avaient été enregistrées. Lundi soir 7 décembre, la préfète Josiane Chevalier a annoncé par communiqué « sa décision d’arrêt définitif des travaux sur le site », au motif que le projet « n’offre plus les garanties de sécurité indispensables. Il doit donc être stoppé ».

Les événements sismiques qui se sont succédé depuis le 28 octobre résultent certes d’une situation particulière de tests, différente d’un fonctionnement normal de centrale géothermique, avait plaidé Fonroche. Ces tests avaient été ordonnés par l’Etat suite à une première secousse significative, de magnitude 3,1 en novembre 2019 dont l’opérateur nie la responsabilité. Mais la situation devenait intenable face à l’émotion et aux inquiétudes déclenchées.

Quel avenir pour les autres projets locaux ?

L’arrêt du projet risque de rejaillir sur les autres, moins avancés qui sont envisagés autour de Strasbourg et plus généralement en Alsace. Mercredi soir 9 décembre, la préfète du Bas-Rhin a d’ailleurs annoncé la suspension jusqu’à nouvel ordre des trois projets dans l’agglomération strasbourgeoise portés par Fonroche et Groupe ES (filiale d’EDF), « afin de mener des études approfondies des risques sismiques et s’assurer que le risque est maîtrisé ».

L’Eurométropole de Strasbourg pourrait alors être contrainte de revoir de fond en comble sa stratégie visant à atteindre les 100 % d’énergies renouvelables en 2050. Abondante, régulière et peu chère, la chaleur issue de la géothermie en constitue un pilier.

De lui-même, ES a choisi de faire une croix sur deux autres sites prospectés dans le nord de l’Alsace pour concentrer ses efforts sur un troisième à Wissembourg (Bas-Rhin).

Le principe de cette géothermie profonde consiste à exploiter les failles naturelles de la roche dans la vallée du Rhin, à plusieurs milliers de mètres sous terre (5 000 mètres environ dans le cas de Vendenheim) pour y puiser l’eau chaude et la faire remonter. Le scénario Fonroche n’est pas sans rappeler celui de Bâle, tel que craint par les promoteurs de la géothermie en Alsace. Dans la ville suisse située dans le même espace rhénan, une série de séismes avait enterré le développement de cette énergie à la fin des années 2000.

La « bonne » profondeur

« Il y aura forcément des leçons à tirer de ce qui s’est passé, mais c’est le propos d’une filière jeune comme la nôtre : essayer de s’améliorer à chaque étape, comme le font aussi les industries émergentes », plaide Jean-Jacques Graff, président de l’Association française des professionnels de la géothermie (AFPG). L’association professionnelle va renforcer ses travaux sur la sismicité, un sujet qu’elle a évidemment déjà investi de longue date. « Nous allons nous rapprocher encore davantage du secteur du pétrole pour tirer parti de son expertise industrielle, et du pôle Avenia [filières du sous-sol, NDLR] de Pau (Pyrénées-Atlantiques) », ajoute Jean-Jacques Graff auprès du Moniteur.

La question de la « bonne » profondeur va probablement faire débat : avec un puits de pompage à - 5 400 mètres pour la remontée de l’eau chaude et l’autre de réinjection de l’eau refroidie descendant à - 4 600 mètres, Fonroche a atteint à Vendenheim des profondeurs de forage particulièrement importantes. Mais pas inégalées, puisque la centrale de Soultz-sous-Forêts (Bas-Rhin), l’une des quatre en service dans le fossé rhénan côtés français et allemand, évolue également dans la sphère des –5 kilomètres, et sans problème jusqu’à présent depuis quatre ans.

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