GDF-Suez : la Belgique crie au loup

La fusion de Gaz de France et de Suez, maison-mère du belge Electrabel, suscitait lundi l'émotion en Belgique, soucieuse de préserver son indépendance énergétique autant que les intérêts des consommateurs.

Tandis que les autorités belges se sont dit ce week-end "favorables" à cette opération, syndicats, associations de consommateurs et médias brandissaient lundi le chiffon rouge et épinglaient l'attitude passive du gouvernement.

Pour le ministre belge des Finances, Didier Reynders, un tel rapprochement est "une opportunité pour le groupe franco-belge (Suez, ndlr) d'être un acteur et pas un spectateur".

A condition toutefois que Suez, qui a mis l'an dernier la main sur la totalité de sa filiale Electrabel, respecte ses engagements et continue de "développer ses activités énergétiques en Belgique", notamment au terminal portuaire de Zeebrugge, véritable plaque-tournante des flux gaziers en Europe.

Pour le parti écologiste belge, "la dimension stratégique du dossier est cependant totalement négligée par le gouvernement".

"Et cette abdication risque de coûter très cher au citoyen et au consommateur belge, qui devra payer le prix imposé par des méga-groupes suffisamment puissants pour dicter leur seul tarif à une clientèle captive", augure Ecolo, qui stigmatise "le laisser-faire" des autorités belges.

Les journaux, qui avaient déjà élevé le ton l'été dernier lors de la prise de contrôle total d'Electrabel par Suez, n'étaient pas plus tendres lundi.

Quand la Libre Belgique crie à "l'annexion" de l'énergie belge par la France, Le Soir lance que "le ministère belge de l'énergie se trouve à Paris", puisque l'Etat français sera "le premier actionnaire" du nouveau groupe et règnera par ricochet sur "Electrabel, premier producteur de courant du Royaume".

Les associations de consommateurs quant à elles appellent d'autant plus à la vigilance qu'elles anticipent de graves problèmes de concurrence.

"Si la fusion se fait telle qu'elle nous est présentée, on aura un contrôle total tant de la production que de la livraison, ce qui aura des conséquences négatives sur les prix au consommateur", prédit Jean-Philippe Ducart de l'association Test-Achats, qui redoute un abus de position dominante.

Pour le régulateur flamand du secteur de l'énergie, le VREG, la situation pourrait devenir "vraiment dramatique" en Belgique car, à l'heure de la libéralisation, toute la production reviendrait une nouvelle fois entre les mains d'un seul joueur.

Selon André Pictoel, le responsable du VREG, à l'issue de la fusion, la nouvelle entité contrôlera plus de 96% de la fourniture en gaz de la région flamande et 90% de sa fourniture en électricité.

Sans intervention des autorités de la concurrence belge ou européenne, aux parts de marché déjà énormes d'Electrabel dans l'électricité, s'ajouteront celles du deuxième électricien belge, SPE, détenu par GDF à hauteur de 51% avec le britannique Centrica. Sur le marché du gaz, GDF ne concurrencera plus Distrigaz, filiale à 57% de Suez.

Pour Ecolo, il n'y a aucun doute que Suez devra se retirer des réseaux de transport de gaz et d'électricité Fluxys et Elia afin d'éviter tout abus de position dominante.

En outre, soulignent les écologistes, il est "inadmissible du point de vue de l'intérêt général" que les 4 milliards d'euros de provisions payées par les consommateurs belges pour financer la sortie du pays du nucléaire "soient dorénavant contrôlées et gérées par une entreprise dont l'Etat français, puissance la plus nucléariste qui soit, est l'actionnaire principal".

Les Verts proposent donc que cet argent soit transféré vers un organisme indépendant.

Dorothée Moisan (AFP)

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