Gazprom, fournisseur et futur concurrent de GDF sur le sol français

Le géant gazier russe, qui lance vendredi les travaux pour construire un nouveau gazoduc à destination de l'Europe, s'apprête à venir concurrencer les opérateurs européens sur le terrain de la distribution, et vise notamment 10% du marché français.

"Dans le cadre de la libéralisation en cours, notre objectif est de couvrir, à terme, 10% du marché français", a déclaré en novembre le directeur des affaires internationales du groupe, premier producteur de gaz mondial, Stanislav Tsygankov.

Et Gazprom a les moyens de ses ambitions. Il dispose à lui seul de 20% des réserves mondiales de gaz, et fournit déjà 25% du gaz fourni par GDF, notamment par des contrats à long terme cruciaux pour les distributeurs européens.

"Mais il n'y aura pas de guerre, GDF ne va pas se faire dépouiller, nous sommes là entre gentlemen", estime Jean-Marie Chevalier, professeur à l'université Paris IX et directeur de Cambridge Energy Research associates, société américaine de consulting.

"On est sur un marché en expansion, Gazprom va se prendre une part de marché" mais "il va mettre un certain temps", a-t-il déclaré à l'AFP.

"Il ne s'agit pas d'aller vendre en direct aux clients de GDF, mais à chaque fois que l'un deux voudra changer de fournisseur, il sera une opportunité pour nous", a affirmé M. Tsygankov à La Tribune.

Et Jean-François Cirelli, PDG de GDF, d'afficher une certaine sérénité, vantant "les bienfaits de l'ouverture" à Gazprom, ce "concurrent et partenaire".

Pas d'inquiétude apparente, d'autant que "dans l'industrie du gaz, le changement se fait lentement, parce qu'elle est tenue en Europe (exception faite de la Grande-Bretagne) par le club des gaziers, Ruhrgas, EON (Allemagne), GDF, Distrigaz (Suez) et Eni (Italie)", explique M. Chevalier.

Ils sont tous eux-mêmes tenus par "des contrats à long terme avec les principaux fournisseurs de l'Europe, Gazprom, Sonatrach (Algérie), et les sociétés exploitant le gaz norvégien", ajoute-t-il.

GDF, par exemple, qui détient 80% du marché français devant Total notamment, ne produit que 10% du gaz qu'il commercialise.

"Il est logique que Gazprom cherche à descendre en aval et cherche à prendre des parts de marché, c'est se donner une force supplémentaire dans les négociations avec GDF sur les contrats long terme", selon M. Chevalier.

D'autant que le groupe russe a déjà expérimenté la distribution sur le marché européen, "en Allemagne, ils se sont associés avec Wintershall (groupe BASF), et ils arrivent à mener cette double relation" de fournisseur et de distributeur. Ils vont probablement faire la même chose" en France, ajoute-t-il.

En ciblant les grands comptes notamment, "nous nous intéressons aux grands clients industriels", a déclaré M. Tsygankov.

Malgré cette tranquillité de façade, il n'en demeure pas moins que Gazprom est un véritable monstre sur le seuil du marché français, qu'il a de l'appétit et qu'il devra bien prendre ses 10% aux dépens de quelqu'un.

Son bénéfice net 20004 a atteint un niveau record de 7,134 milliards de dollars, pour un chiffre d'affaires en hausse de 19,1% à 33,88 mds USD.

Ses ventes en Europe ont progressé de 9% en volume.

En face, GDF, qui est entré en Bourse cette année, a franchi le seuil du milliard d'euros de bénéfices en 2004 pour un chiffre d'affaires de 18,129 milliards d'euros (21,39 mds USD).

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !